Un jour, en France.

Image : détail de couverture de l’album 666.667 Club. Source les Inrocks.
Ce texte a été écrit à un moment où je ne bloguais plus et ne faisait que relayer des contenus d’autres sur les réseaux, courant 2017, Bertrand Cantat venait de ressurgir en couverture des Inrocks.

Comme beaucoup d’autres, il y a des chansons qui ont marqué mon paysage musical. Aux Sombres Héros de l’Amer, Tostaky, Un Jour En France, l’Homme Pressé en font partie. La voix rocailleuse d’un Cantat que rien ne semblait pouvoir arrêter aussi. Et puis, alors que je l’écoutais moins depuis deux albums, il y eu le féminicide de Vilnius. L’horreur totale.

Et son traitement médiatique. Indécent. Forcément, indécent. Il n’y avait rien à dire qu’à laisser la justice faire son travail, mais, fatalité de la célébrité, on a laissé les micros ouvert à tou-te-s celleux qui n’étaient pas en mesure de prendre du recul, de se taire, parce que dépassés par l’émotion face au sordide ordinaire de la situation, rendue extraordinaire par la célébrité de la victime et de son bourreau.

Condamné, Cantat est allé en prison. 4 ans. C’est certainement peu au regard d’une vie abrégée dans la violence, est-ce beaucoup du point de vue de l’individu concerné ? Je ne sais pas, je ne suis pas dans sa tête. Lui seul sait, lui seul vit avec. Sans doute fait-il ce que fait tout être humain, passé le choc, il rationalise, il trouve le moyen de vivre avec. Peut-être son cerveau tente-t-il de réécrire l’histoire afin qu’il parvienne à s’absoudre lui-même. Pas certain que ce soit judicieux, mais l’être humain est ainsi fait. Il fait ce qu’il peut pour continuer à vivre avec lui-même. Quitte à l’absurde, pour pouvoir se regarder dans la glace.

Devrait-il socialement payer le prix jusque la fin de ses jours ? Je ne sais pas s’il devrait, mais il le paiera jusqu’au bout, d’une façon ou d’une autre. Il est marqué au fer rouge par son crime, et il n’y a rien qu’il puisse faire contre cela. Devrait-il retrouver la publicité et la médiatisation dont il jouissait avant son acte ? Certainement pas. Ce n’est ni lui rendre service, ni rendre service à la société. Pis, c’est intolérable pour les proches de Marie Trintignant, pour tou-te-s celleux qui l’ont aimée, pour tou-te-s celleux qui meurent dans des circonstances similaires et les personnes qui les pleurent. Il ne doit pas y avoir d’impunité autour du féminicide. Point barre.

Je pense sincèrement que Bertrand Cantat mérite de vivre sa vie dans une relative tranquillité d’esprit. Mais il est impossible d’oublier son crime. Pour lui-même, certes, mais pour la société entière. Parce qu’il n’y a aucun pardon que nous puissions lui accorder collectivement, et individuellement, chacun verra midi à sa porte. En tuant sa compagne, il s’est inscrit dans la geste séculaire de la violence faite aux femmes dont notre culture est l’héritière. Un héritage qu’elle n’est toujours pas parvenu à laisser derrière elle.
Qu’il puisse retrouver un semblant de normalité oui, qu’il retravaille, tant mieux, le travail permet de re-structurer la vie et l’esprit après tel épisode, qu’il trouve la rédemption en donnant son obole, ou son temps, anonymement, à la lutte contre les crimes similaire au sien, je le lui souhaite.
Qu’il redevienne une figure médiatique, surtout pas, jamais, plus jamais. Peut-être peut-il devenir parolier et compositeur pour d’autres, et encore, sans doute sous un pseudonyme, tant la tentation médiatique existerait de lui redonner la parole et la sienne, en bon Narcisse qu’il est, de la prendre (La preuve en est avec cette récente interview et cette une des Inrocks…).

Doit-on pour autant bannir son art et s’abstenir d’écouter son œuvre passée ? Ses mots sont-ils moins justes au regard de son crime ? Je n’ai pas d’avis, je sais uniquement le fait que je ne peux plus écouter les premier sans penser au second. Mon plaisir est-il gâché ? Non, loin s’en faut. La perspective sur l’homme et ses chansons est irrémédiablement changée par contre.
Pour une meilleure prise de conscience des limites de l’individu nonobstant les qualités de l’artiste. Sans nul doute, Bertrand Cantat sombrera-t-il dans l’oubli, et avec lui l’histoire et les sons de son ancienne formation. Et peut-être son crime jouera-t-il dans la vitesse relégation dans les limbes de l’histoire musicale de Noir Dés’.
Mais avant ça, sans doute seront nous encore quelques milliers, pour quelques décennies encore, à réécouter ses mots, pour retrouver, l’espace d’un morceau, le temps perdu.
Le temps d’avant.

Update : Clairement il ne prend absolument pas la mesure du problème que pose sa mise en avant médiatique, raison de plus pour cesser de lui donner la parole et le pousser à devenir un acteur plus discret dans le milieu musical…

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