Je vais le dire d’emblée Love Life ne va pas révolutionner l’univers des séries. Pas de photographie exceptionnelle, pas d’intrigues tortueuses et de rebondissements qui vont vous tenir en haleine. Rien de tout ça. Et bien que la série parle d’amour et se passe à New York, Love life c’est un peu l’anti Sex & The City. Et c’est toute sa qualité. Je spoile un peu la fin dans l’article, mais l’intrigue n’étant pas l’intérêt de la série, vous saurez ne pas m’en vouloir.
Sex & The City, c’est 4 meufs qui ont des jobs virtuellement inexistants mais qui paient incroyablement bien (Hello, Carrie a le plus petit appart, 60m² au bas mot, et écrit juste une colonne hebdo dans un journal ?), qu’on nous vend comme super libérées du cul, alors que, Samantha mise à part, elles cherchent toute LE mec de leur vie, au point que je ne suis pas certain que la série passe le Bechdel Test. Carrie est sensée être une spécialiste du cul, mais le moindre kink la fait frémir, la bisexualité d’un partenaire est ingérable pour elle, et la vie se vit à deux : normativité je crie ton nom. Et je passe sur le fait qu’elles n’ont que des boyfriends blancs en 14 ans (Enfin, Ms Jones, fait une exception, qui ne dure même pas l’épisode [Edit : Miranda a un boyrfriend noir, un épisode, avant de se remettre avec Steve. Quelle diversitay !]). La série repose entièrement sur des clichés qu’elle bat surtout jamais en brèche (Stanford et son mari, sérieux ?!). Pire, le second film n’est qu’un énorme énième caca nerveux de Carrie à Big, parce qu’elle n’est pas foutue d’avoir une conversation d’adulte à adulte avec lui. Preuve qu’elle n’a rien appris en 14 ans, tout en étant sensée écrire sur le cul et l’amour depuis tout ce temps. #Facepalm
Dans Love Life, Darby Carter (Anna Kendrick) a un travail dans le secteur culturel, qu’on voit assez régulièrement pour savoir qu’il existe bel et bien et qu’il n’est pas toujours glamour, et habite en coloc d’abord, puis dans un petit appart de 25m², et pas dans Manhattan, où elle commute tous les jours pour aller bosser, et si elle a clairement un sens de la mode bien développé, sa garde robe est en rapport avec son niveau de rémunération à travers la série. Ensuite, sa vie sexuelle n’est pas le sujet et encore moins un argument marketing pour nous parler d’amour à la place. Les relations de Darby, amoureuses et amicales, sont diverses, multicolores sans que tout cela ne soit le sujet non plus. Enfin, lL’écriture est réaliste, des jeux de mots foireux qu’on peut se faire au quotidien au fait de se dire qu’on a trop mangé à cette soirée pour baiser et d’en rire ensemble, tout un ensemble de petits détails qui me rendent la série, comme pas mal de rôles de Kendrick, attachante.
Autre différence majeure : là où Carrie s’accroche comme une moule à l’idée d’âme soeur, d’amour passion, au romantisme perpétuel, et refuse de façon absolue toute forme de routine du quotidien (« Comme un ouragan, la tempête en moi, à balayé le passé » Stéphanie de Monaco, on pense à toi), Darby n’a aucune idée préconçue de ce que doit être une relation, elle n’est pas obnubilée par la recherche de l’autre, elle fait des rencontres, des erreurs, apprend, affine son idée de ce que c’est que d’aimer quelqu’un au fil de la saison. Du mec bien qui s’en va, au toxique qui reste, en passant par ressortir avec un ex ou sortir avec son boss, et, même, par les autres relations non amoureuses qui comptent dans sa vie, on apprend et on partage des émotions plus riches et intéressantes avec le personnage d’Anna Kendrick en 10 épisodes qu’en six saisons avec celui de Sarah Jessica Parker. Mention spéciale à la relation avec Augie Jeong (Jin Ha) et à celle avec Magnus Lund (Nick Thune) qui sont remarquemeblement bien écrites de bout en bout. Surtout, si Darby fait des erreurs, elle ne vilipende pas l’autre avec ses copines pour se donner bonne conscience. Elle progresse humainement au cours de la série, et c’est super agréable.
La saison s’achève avec une sensation de plénitude, la voix off nous signalant [Spoiler] que la relation de Darby à ce moment là, sans être conventionnelle bien qu’hétéro monogame, est celle de toute une vie. Et du coup, je suis un peu dubitati.f.ve d’apprendre qu’une deuxième saison a été validée. Clairement, on changera de personnage principal, et peut-être Darby apparaîtra-t-elle en personnage secondaire ? Peut-être une situation moins monogame ? Moins hétéro-centrée ? A voir. Le charme simple de cette girl next door va être difficile à retrouver mais pas impossible. Il suffit que l’écriture soit aussi bonne, fine, normalisante sans être normative, que pour la première saison.
Si vous avez apprécié Looking, pour son côté normal, son côté boys next door et son côté everyday life, vous aller aimer retrouver un peu de ça, dans Love Life, en un peu moins pédé, et un peu moins arty niveau photographie. Pour terminer, toute la simplicité et la finesse de la série se retrouvent dans le voice-over de la fin de saison, un court speech, qui me parle particulièrement, et que je vous mets ici (sans vous spoiler le nom de l’heureux élu) :
« She didn’t suddenly feel like a whole new person, at long last fixed by the perfect partner. […] she didn’t feel fireworks or hear some loud marching band announcing itself like « Here it is, here’s LOVE ». Instead, it was quiet. And calming. And still. Finally, Darby had stopped wondering wether or not she was worth loving and simply cracked herself open, simply cracked her whole life open, after all, it wasn’t just hers anymore. »