J’en vois, ces derniers temps, qui poussent des cries d’orfraie à l’idée qu’on déboulonne des statues de personnalités racistes ou issues de périodes particulièrement racistes de notre histoire ou qu’on renomme les rues portant leurs noms. « Mais enfin, il s’agit de notre patrimoine, de notre histoire, de ce qui fait la France. » « mais enfin, c’est totalement politique, c’est abject » « c’est une censure d’une violence inouie » et j’en passe des vertes et des pas mûres. Sauf que, des statues, des rues qui changent de noms, ça arrive tout le temps. Et d’habitude, quand ce ne sont pas des personnes racisées qui le demandent, ça vous en touche une gonade sans faire bouger l’autre. Mais parlons en, justement.
« Mais enfin, il s’agit de notre patrimoine, de notre histoire, de ce qui a fait la France »
On va atteindre tout de suite le point de Godwin (dont je n’ai jamais trouvé qu’il fermait un échange, bien au contraire) : Vichy aussi c’est ce qui a fait la France, son histoire, son patrimoine, que vous le vouliez ou non. Pourtant il vous paraît logique que ne fleurissent pas un peu partout des statues à Pétain des rues Maurice Papon, et les odes à la Collaboration, n’est-ce pas ? Bon, c’est donc que vous savez bien qu’un nom de rue, une statue, c’est fait pour glorifier quelqu’un et ses idées.
« Mais enfin, c’est totalement politique, c’est abject »
Et puisqu’on parle de cette période, ça ne vous choque pas plus que ça, que la France se part systématiquement de blanc sur cette période, quand la Résistance représentait à tout casser 2% de la population et les collabos un bon 50% (et je suis magnanime sur la proportion d’indécis…). Bref, vous n’êtes pas sans savoir que l’Histoire s’écrit dans le sens du vent et qu’on glorifie surtout des personnes pour mettre en avant des symboles plus adaptés au sens qu’on souhaite donner à la société, quitte à faire un peu de réécriture du « roman national » sans que ça ne vous offusque. Bref, les statues, les nom de rue, c’est éminemment politique, vous l’avez toujours su, ne faites pas mine de découvrir ça maintenant. Et si tout ce qui politique est abect : la sécurité sociale, c’est politique, les transports en communs, c’est politique, le fait que vous ayez des congés payés, acheter des vêtements fabriqués par des enfants au Bengladesh, c’est politique (et même moi, je n’ai pas le luxe de faire autrement, vu mes revenus et ça me fait bien chier. On parlera de pureté militante un autre jour, tiens.).
« C »est une censure d’une violence inouie »
Des statues, des symboles il en a été déboulonnées, fondues, détruites des centaines au cour de l’histoire et ça vous défrise pas tant que ça d’habitude. Le meilleur exemple c’est la Révolution Française. Vous savez, cet événement qu’on commémore le 14 juillet chaque année. Ce moment où les masses populaire opprimées ont dit « MERDE! » à la monarchie absolue à la française et ont décidé de renverser la table et décapiter à la chaîne tout un tas de gens et détruit des statues de l’Ancien Régime en masse. Loin de moi l’idée d’appeler à une révolution similaire en terme de violence (même si, ces dernier temps, ça me travaille, je ferai tout ce que je peux pour trouver d’autres solutions), mais curieusement, dans ce cas précis, vous oubliez facilement cet aspect pour se concentrer sur le positif du symbole. Bref, votre indignation bourgeoise à deux vitesse est clairement fatigante.
En bref :
Eriger une statue à pour but de glorifier une figure, et pas juste de décorer un coin de rue, nommer une rue est un hommage à une personne, son œuvre, ses idées. Si on souhaite glorifier des valeurs et pas des personnes, changer de statue, de nom de rue, pour un personnage plus adapté à l’époque, plus positif, on le fait. Si la valeur artistique de la statue fait qu’on souhaite la conserver à titre décoratif, on contextualise son maintient (Ex : unicité architecturale historique). Sinon, on déboulonne, on mets dans un musée en expliquant la valeur artistique de l’oeuvre, et en contextualisant la personnalité représentée. C’est tout simplement de la pédagogie muséographique. Et vous le savez pertinemment.
Alors non, déboulonner des statues ne va pas solutionner le problème du racisme en général et le problème du racisme dans la police et ses conséquences funestes en particulier. Et ce n’est pas ce qu’on vous dit. Par contre, s’interroger sur la pertinence de statues en adoptant le point de vue des racisés, et donc une perspective nouvelle sur notre propre histoire, et déboulonner les statues problématiques de ce point de vue dans le but d’en créer de nouvelles et de nouveau symboles, c’est une autre façon de fonctionner, et c’est un début pour changer nos façons de penser, notre culture et faire reculer l’aspect systémique du racisme. Déboulonner les statues, ce n’est que la partie visible de l’iceberg raciste.
Quand à l’heure où la police est incapable d’interpeller des citoyens désarmés sans les gazer, les plaquer violemment au sol, et en tuer au passage, s’ils sont basanés de façon générale et noirs plus particulièrement, vous êtes en train de vous offusquer pour des statues datées d’un autre temps, c’est à gerber. Parce que ce qui vous pose problème, ce n’est pas le déboulonnage des statue, on l’a vu plus haut, vous en acceptez très bien les tenants et les aboutissant de façon générale. Non, ce qui vous emmerde, c’est que les personnes racisées prennent la parole, vous obligent à réfléchir, à vous interroger vous-même, et ça, ça vous est intolérable, parce que le reste du temps, quand ils servent votre confort intellectuel et social, le déboulonnage des statues et la mise en avant de symboles nouveaux, voire la violence du changement, ça ne vous dérange pas plus que ça. Que ça vous plaise ou ou que ça vous gêne aux entournures, ça fait de vous un raciste, au pire patenté, au mieux mal dégrossi, par paresse intellectuelle.
Alors maintenant, vous arrêtez de crier, vous vous sortez les doigts du cul, vous vous asseyez, vous écoutez les concernés et vous vous éduquez sur les questions de racisme. Après on reparlera ensemble de violences policières… Et promis, un de ces quatre, vous parle du « racisme anti-blanc ». Vous allez adorer. Bisous. Punaise vous m’avez énervé·e, les racistes.
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