Dune (1984)

David Lynch a deux longs métrages salués par la profession et la critique, Eraserhead et Elephant Man, à son actif, lorsqu’il est embauché lorsqu’il est embauché par les De Laurentiis, père et fille, pour Dune. Son talent de réalisateur et de scénariste sont clairs puisqu’il est crédité aux deux postes à chaque fois. La saga littéraire vient d’avoir quinze ans, est alors forte de 3 bouquins, et bientôt d’un quatrième, à paraître (Mon précieux, à moi, dans toute la saga). il y a déjà eu un projet démentiel d’adaptation par Jodorowsky, mais avorté faute de confiance des studio, en 1975. Sauf que depuis, Star Wars a cartonné deux fois au box office, Flash Gordon et d’autres ont suivi. Bref, y a un filon sur lequel tout le monde espère bien capitaliser.

Le père De Laurentiis, c’est le producteur de La Bible (Huston), Les Nuits de Cabiria (Fellini), Barbarella (Vadim) de Serpico (Lumet), Les Trois Jours du Condor (Pollack) et, Conan Le Barbare (Milius) Bref, c’est pas de la merdasse. Il les droit depuis 78 et voulait adapter Dune originalement avec Ridley Scott qui venait de réaliser « Alien, le 8ème passager », lequel envisageait de couper le film en deux, pour être un peu plus à l’aise avec la narration, reprendre des éléments du projet Jodorowsky, notamment la collaboration avec HR Giger, déjà à l’origine de l’esthétique Alien, mais la mort de Frank Scott, son frère aîné, va mettre fin à cette collaboration et lancer Ridley sur les rails d’une autre adaptation de SF, qui deviendra autrement culte avec le temps.

Et voilà le projet qui reprend forme avec Lynch. Lequel a accepté le projet sans avoir lu le livre et sans rien connaître même de l’intrigue générale. S’ensuit une écriture laborieuse, en équipe d’abord puis par Lynch seul. les différences créatives avec la production sont légion. Au final, Lynch livre un premier rough cut d’un peu plus de quatre heures, qu’il sait pouvoir et parvient à tirer vers les trois heures en le retravaillant. Les producteurs veulent un film de deux heures max, dans les standard commerciaux du cinéma de masse et décident de trancher eux-même dans le vif. Et il peuvent : Lynch n’a jamais obtenu contractuellement le droit au final cut.

Lynch lui-même n’aime pas le film final et refuse d’en faire la promo, l’ultime clou pour lui venant quelques années plus tard, quand un cut de 3 heures, avec quelques séquences ajoutées et moult shots re-use, mais toujours pas le sien, est diffusé en télé en deux parties (avec un recap « Hier soir, dans Dune » au milieu pour ceux qui auraient raté la première partie), où il demande définitivement le retrait de son nom comme réalisateur et comme scénariste, de toute version commerciale de ce projet. Dune devient « An Alan Smithee film ».

Le Pitch :

Le Duc Leto Atréides est nommé par l’Empereur-Padishah Shaddam IV comme gouverneur de la planète Arrakis, Dune, seule planète où est produite l’épice, une substance aux vertus panacéennes. Son fils Pauil et sa concubine Jessica Atréides, qui lui a donné un fils, contre les ordres très clairs de la sororité du Bene Gesserit dont elle est issue, doivent le suivre sur Arrakis. Mais il s’agit d’un piège de l’Empereur, qui compte bien aider les Harkonnens à reprendre possession de Dune, et se débarrasser par la même occasion des Atréides et de leur influence grandissante au sein de l’Empire. Mais Paul n’est pas juste le fils d’un duc, il se pourrait qu’il soit, avec une génération d’avance, le fruit prévu par le méticuleux programme de sélection génétique du Bene Gesserit au fil des millénaires impériaux, l’homme doté de la prescience ultime, le Kwisatz Haderach et un séjour prolongé sur Dune pourrait en être le révélateur…

Ma critique :

Effectivement, le montage surcoupé et tailladé de 1984 ne rime à rien. Et c’est, en grande partie, là que le bat blesse. Car l’intrigue, déjà simplifiée au max par Lynch par rapport au livre, devient terriblement confuse et ésotérique à suivre pour qui n’a pas lu le livre -Et je sais de quoi je parle, je l’ai découverte précisément dans ces conditions, quand j’étais au lycée 14 ans après sa sortie- et même en l’ayant lu, c’est gênant, et, comble du comble, même pour un fan des trucs les moins évidents de Lynch en matière de narration, sans être fan de Lynch, j’ai vu Inland Empire. Je sais donc clairement de quoi il est capable en matière de narration bordélique. Avec l’intervention des De Laurentiis, des séquences entières et des plans utiles à la narration visuelle disparaissent, un voice over et une scène d’intro par Irulan sont ajoutés. En elle-même, l’introduction de la voix d’Irulan n’est pas idiote, d’autant que ses citations parsèment les livres et quatrième livre, L’Empereur-Dieu de Dune. Mais son rôle est tellement inexistant dans le reste film qu’elle arrive là comme un cheveu sur la soupe…

Et puis, il y a ces partis pris esthétiques. Le film se voulait un Star Wars pour adulte, mais se rapproche plus en terme d’esthétique et d’effet spéciaux d’un Barbarella (qui a plus de dix ans à ce moment là) ou d’un Flash Gordon (qui se veut, lui, délibérément kitsch). Ok, ok, l’univers de Dune tel que suggéré dans les livres est très particulier, mais bordel, le Tatouine de Lucas m’évoque plus le désert qu’une planète désertique au point de s’appeler ‘Dune’, dans le film éponyme. Y a pas UNE scène tournée en extérieur dans un vrai désert. Tout est tourné en intérieur, en fucking studio fermé . C’est étriqué comme les décor d’un épisode de Star Trek première mouture. Pire encore. Et c’est sombre, bordel. Bon c’est pas non plus Taram et le Chaudron Magique, m’enfin, en dehors du vers pétant de Geidi Prime et de la salle du Trône de l’empereur au début du film… Et tous les personnages sont mort à l’intérieur, sauf peut-être Feyd Rautha, joué par, Sting mais il ne sert à rien, est coiffé avec un pétard, et se voit affublé à l’occasion d’un slip en zinc terrible (‘tention, ça pique !) qui a le mérite de prouver que même gaulé comme une statue grecque et en s’appelant sting, on peut pas porter n’importe quoi, non, mais, ho, hein ? Bon.

En fait, même pour l’époque, le film de De Laurentiis ne m’aurait pas gêné si c’était un film pour la TV. Mais c’est un film pour le cinéma. Avec des miniatures cheap, des décors kischissimes, qui manquent d’envergure et de mise en valeurs, qui se noie dans sa forme, sans jamais parvenir à ni a la sublimer ni à la transcender et se prend mais beaucoup trop au sérieux. Et puis, justement, puisqu’on parle de « Pour l’époque », vu qu’on me le sort souvent, pour justifier la piètre qualité et le kitsch de l’ensemble, je tiens à rappeler qu’au début du tournage, Rencontres du Troisième Type a cinq ans, Alien a déjà deux ans, Star Wars en est à son deuxième film, que Blade Runner sort au tout début de la période du tournage (Bon, avec un succès initial mitigé, ok),  E.T. au même moment et le troisième Star Wars à la fin ou juste après. C’est pas comme si y avait pas déjà de quoi avoir un bon aperçu des dos and don’ts sans qu’on manque de variété de style en matière de SF au ciné, quand même…Bref, rien ne va dans ce film.

Originalement, il devait y avoir une trilogie adaptant les trois premiers livres. Mais le fiasco, critique et au box office ont définitivement enterré le projet. Et une vaste majorité des fans de Dune ont pris une sacré baffe en le voyant. Je les comprends totalement. Si vous tenez à le regarder, pour ses rares bonnes idées, comme le look hyper radical des soeurs du Bene Gesserit, ou l’idée que la Voix puisse détruire physiquement un objet, soit, mais venez pas râler d’avoir incrusté dans votre mémoire ce Navigateur de Guilde qui ressemble à un furoncle au scrotum ou d’avoir vomi en voyant le Baron Harkonnen (Qui aurait pu être une réussite ceci dit, mais l’exécution merde quelque part). Parce que, et je le reconnais, derrière son kitsch absolu, il y a un vrai travail de caractérisation, de partis-pris, mais ça manque de grandeur, de cinémascope, de vie, de thrill, de qualité à tous points de vue.

Si vous êtes fan de Dune, ne vous infligez pas ça. Vraiment. Il n’y a pas de raison de vous faire souffrir autant. D’autant qu’il y une mini série de 2000 et 2003, bien plus fidèle au livre, bien plus réussie ; les effets spéciaux sont moyens pour l’époque, mais honnêtes, le kitsch de certains décors et costumes souligne le côté théatral des relations entre les factions comme chez Lynch (surtout la première partie, celle de 2000, mais l’acting, valant celui de Buffy saison 2, fait que les personnages ont l’air vivants et ça rend l’ensemble plus que supportable.

Enfin, une autre raison de ne pas vous infliger cette bouse, c’est l’adaptation de Denis Villeneuve à sortir en 2020, et pour l’instant, les visuels publiés sont de bon augure. Espérons qu’il ne se soit pas pris ailleurs les pieds dans le tapis.

Que Shaï Hulud éclaire le chemin devant vous. Bilaï Kaifa !

 

Crédit image en-tête : détail de l’affiche originale de la camapgne de teasing pour le film

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