Rassurez vous, je ne vais pas vous parler du navet de Chris Gans. Vous le savez, en ce moment, je crains qu’on ne soit en passe de se manger dans un futur proche, en France (et dans une partie de l’Europe), au mieux un status quo complet pendant plusieurs années, sur les questions LGBTQI, féministes et racisées, au pire un méchant retour de bâton, avec le bruit des bottes, les ratonnades et tout ce qui pourrait aller avec. Et pas que vis à vis de nos communautés. La propension de masculinistes blancs et quasi blancs, homophobes, transphobes et racistes à se constituer en groupes pour aller faire la leçon (pour parler gentimen à tou·te·s celleux qui ne sont pas de leur bord m’inquiète. Leur capacité à se constituer en meute m’inquiète. Mais pas que la leur.
J’ai été militant·e associati·f·ve lgbtqi il y a quelques années. Parce que concerné·e, parce que convaincu·e qu’il faut faire avancer nos droits et que ça ne passe que par l’action associative, parce que j’avais besoin de faire de ma vie quelque chose d’utile, pour moi et pour les autres, vue que professionnellement, ça n’allait pas et enfin, parce qu’à force de côtoyer le milieu militant de loin à Paris, j’ai eu envie d’y mettre les pieds pour de bon. J’ai intégré une asso, pendant 5 ans. J’ai fréquenté la militance au plus prêt, et j’ai vu ce qu’elle avait de meilleur, littéralement. : Les Etats Généraux d’Avignon, en 2015, malgré la douche froide des attentats à paris, le premier soir, et peut-être, même à cause des attentats, ce fut un moment tellement fort, riche et beau. Le moins bon : Dommage qu’en dehors de projets locaux, ponctuels suite à des rencontres qui s’y sont faites, ça n’ait rien donné. Un jours d’autres sauront sans doute tirer un enseignement de ce demi échec. Amen & Awomen. Et le pire : les petite guéguerre entre personnes pour un micro-pouvoir (LE PHALLUS SYMBOLIQUE ! Freud, ta gueule !). Tout ça pour dire de quel point de vue j’ai vu ce qui se est décrit ci-dessous : un point de vue très ancré dans la militance, même si en retrait depuis plusieurs années désormais.
Paillassons
A l’époque des manifs et débats concernant le mariage pour tous, j’ai vu monter au créneau des typologies de personnes très différentes. Des gens compétents, qui avaient potassé le sujet et qui n’étaient là que pour la cause à défendre, d’autres critiques des compétents mais pour affiner le sujet, d’autres encore un peu moins au fait mais prêt à soutenir les compétents, et puis les autres.. Des personnes qui n’ont aucune notion de notre histoire communautaire et des enjeux politiques qui sous-tendent les luttes pour nos droit, des gens tout à fait content de se faire adouber par des personnalités qui n’en on rien à carrer de nos communautés. Qu’il est doux d’être réfugié auprès des homophobes? D’être leur caution gay-friendly ? D’être le paillasson qui leur permet d’essuyer leurs bottes brunes sur nos luttes ? J’avoue, j’ai du mal à comprendre.
Déjà ces gens là, j’ai du mal. Et il n’y a pas que moi. Quand en plus, lorsque vous essayez gentiment de leur signaler « tu sais, ce serait plus correct vis à vis de telle partie de la communauté que tu dises pas de la merde », ces gens là hurlent gueulent au scandale #OnPeutPlusRienDire #PoliceDeLaPensée et vous envoient leur followers vous pourrir, autant dire que je les apprécie encore moins. Mais Twitter a une fonction « Masquer cette conversation/cette personne » et une fonction « bloquer » qui peuvent devenir utile dans ces cas là. Cancel culture ? Non, j’ai des contacts avec qui on est d’accord sur rien et on arrive pourtant bien à échanger calmement. On évite juste de répondre à l’autre quand on sent qu’il est déjà bien vénère. Et puis les tristes sires d’en face ne se gênent pas pour bloquer sans plus de dialogue possible, alors quand ils envoient leurs followers en meute te pourrir, pourquoi s’en priver ? Après tout. Hein ?
Collateral Damage
Il y avait aussi à l’époque des non-impliqués dans la militance pris dans les tirs. Et parmi eux, un blogueur, gay, à forte audience qui, ne résistant pas à un jeu de mot pourri ou à une blague de merde, un matin, dérape, mais bien moche, au point que je me rappelle lui avoir répondu publiquement un truc du genre « Alors je t’aime beaucoup, mais là, ça va pas être possible ton tweet » et sans doute un tweet d’éduc pop pour expliciter le côté problématique de son propos. Et je vois dans les 10 minutes qu’on est deux ou trois à avoir eu la même réaction en mode « Supprime » et qu’il a supprimé, ouf. Le soir, je vois que des captures d’écrans de son tweet circulent dans tout le Landerneau. Le mal est fait. Et je me retrouve à le défendre, parce que, sommes toute, j’ai déjà entendu des militant·e·s en lâcher des pires, moi en premier lieu, à une époque où je ne savais pas mieux. Il passera son compte en privé plusieurs semaines et j’apprendrais plus tard, au détour d’un échange entre nous, jusqu’où sont allées les représailles : diffusion de ses coordonnées, menaces de mort, lettres à son employeur pour le faire virer, et que ce sont, effectivement, des militant·e·s qui ont, à l’instar des tristes sires mentionnés plus haut, envoyé leur communauté en meute sur un mec qui a fait une mauvaise vanne, a compris son erreur dans les 10 minutes, et a effacé le tweet dans la foulée. Depuis, ce même gars s’est replié sur son blog pour son expression personnelle, et sur les réseaux sociaux ne partage plus que de la musique, des jolies photos, des TEDx intéressants. Le mec n’était pas militant, déjà que quand on l’est, on est pas toujours parfait… Là, ça commence à me gêner aux entournures, pas vous ?
M. Moi-Je-Moi
Et puis il y a ce mec qui après une action artistique friendly à fort succès public, tel le corbeau lâchant son fromage, ne se sentant plus pisser, s’est mis à déconner à plein tube. Il a commencé par dire un peu de la merde en voulant défendre la cause LGBTQI et s’est fait rattraper par le col gentiment, en mode. « Ok, c’est super gentil de vouloir aider, mais là tu maîtrise pas du tout le sujet, et tu dis de la merde. Tiens voilà de la lecture pour que tu apprenne deux ou trois choses utiles là dessus au lieu de t’écouter causer » et j’admets que si t’as 50 personnes qui te le disent d’un coup, ton ego en prend une claque. Surtout quand tu as un tempéramment Moi-Je-Moi (« J’ai le même à la maison, mais pas en jaune de Damas »). Mais plus tôt que de prendre du recul et de lire ce qu’on lui a conseillé, le mec a d’emblée répondu en mode Ouin Ouin vous me harcelez… Quelques semaines plus tard, le gars s’est’approprie la paternité d’une réalisation artistique à tort, est pris la main dans le pot de confiture, l’auteur original le désavoue clairement, et le mec persiste en mode « mééeuuh, j’ai participé au processus créatif » alors qu’il semblerait bien que non.
Comme ça si ne suffisait pas à son palmarès, il s’est inventé quelques mois plus tard, une agression en bas de chez lui, photos sombres et mal cadrées, soi-disant prises in situ, à l’appui. Sauf que, pas de bol, c’était des photos sombres et mal cadrées d’une action menée à par des lesbiennes quelques jours avant, pas du tout devant chez lui, et bien diffusées dans la communauté militante, du coup il s’est fait rabrouer assez vite. Au final, pas d’agression réelle, mais plutôt que de l’admettre avec humilité, le mec a lancé une opération Ouin Ouin en mode « Bouh, les militantes sont méchantes avec moi ». Et j’oublie les détails des deux ou trois autres tentatives ratées d’attirer l’attention sur sa personne qui ont suivi, avec les mêmes conséquences : call out par le Landerneau communautaire, réponse en mode Ouin Ouin de M. Moi-Je-Moi, et clash entre le Landerneau communautaire et sa meute de follower, le truc pouvant s’auto-entretenir sur deux ou trois jours. Après la fausse agression, mon meilleur ami s’était mis à l’appeler M. Moi-Je-Moi, et j’avais arrêté de le suivre d’où ma mauvaise mémoire des épisode suivants.
Il y a 15 jours, M. Moi-Je-Moi, a eu un tweet tarte en mode « Martine Moi-Je-Moi a fait son devoir de citoyen et la leçon à une pédale qui voulait qu’on lui fasse la raie » et s’est attiré pour la énième les moqueries du Landerneau pédéistique de Twitter, militant ou pas. J’ai, personnellement, vu ledit tweet tourné en dérision des centaines de fois en quelques heures. Certaines fois en le citant, d’autres, non. Je vais balayer devant ma porte en disant que j’ai trouvé son tweet tellement donneur de leçon et ridicule que dans mes échanges de la journée, et du lendemain, il y a eu quelques vannes qui y faisaient référence, sans citer le tweet ou l’interpeller lui, certes. Mais un Landerneau, c’est un Landerneau : le Twitter pédéistique est un village. Deux jours après, il annonce fermer son compte Twitter (toujours en ligne, sans nouveaux tweets depuis une semaine).
Et voilà que la semaine dernière, on nous annonce qu’il est hospitalisé en réanimation suite à une tentative de suicide. Stupeur. Valeurs Actuelles se répand sur la nouvelle avec un délice concupiscent. Les LGBT sont abjects vous comprenez. Aucun autre média ne relaie, ce qui est un peu louche. Du coup, est-ce vrai ? Est-ce une énième pirouette ? Je n’en sais rien. Et finalement je m’en bat les ovaires avec un moule à gaufres. Mais si ce n’est pas lui, ça finira par arriver à quelqu’un d’autre si nous continuons à être, entre nous, aussi vindicatifs qu’envers nos opposants réels. Et là, ça me gêne carrément beaucoup aux entournures. Son tweet idiot valait-il son flot de moquerie ? Peut-être. Valait-il qu’une large partie d’entre elles lui soient adressées directement, et donc clairement dans le but de le tourmenter ? Non. Sortons nous grandis en tant que communauté ? Encore moins. Pire, s’il est effectivement en réanimation, quelle que soit l’issue de cette hospitalisation, nous avons effectivement échoué, en tant que communauté.
La Rançon de la Gloire ?
« Il n’a qu’à se taire, ou quitter les réseaux sociaux, ou accepter qu’avec une grande notoriété vienne aussi la rançon de la gloire : la bêtise humaine, les moqueries, la méchanceté ». Je l’ai entendue celle là, de tous les bords,, dans la bouche de militant·e·s et de non-militant·e·s, à son sujet, au sujet des paillassons pour homophobes notoires, au sujet de ce blogueur qui s’est tu sur les réseaux et ne poste plus que des morceaux de musique. J’espère que M. Moi-Je-Moi, ne s’est pas tué, tiens. Vous vous rendez bien compte qu’on fait à quelqu’un notre propre communauté, juste parce qu’il n’est pas parfaitement aware/woke un équivalent de « tu veux pas qu’on te mette de main au cul/qu’on te viole/qu’on t’agresse ? Bah mets pas de jupe ! »au point que ça fait se palucher la rédac de Valeurs Actuelles ?! Et vu comment ça se généralise, on est en train de devenir aussi cons que des Incels, Frigide Barjot, La Manifs Pour Tous, Eric Zemmour et la go qu’a écrit Harry Potter réunis !
Mais on est des licornes d’amour fabuleuses ou on est cons comme têtes de bites, bordel ?
Il est urgent que nous apprenions à être sinon bienveillants, moins virulents dans nos échanges, au moins à l’égard des membres de nos communautés. Y compris quand ce sont des mecs blancs cis, gay ou bis, y compris quand eux-même réagissent comme des cons de privilégiés parce que moins touchés par les discriminations. Je le connais leur privilège, j’en bénéficie subrepticement, au quotidien, jusqu’à ce que j’ouvre la bouche pour causer et que mon interlocuteur ne capte que je suis way too folle pour être hétéro, et ne s’interroge quant au fait que « wait a minute, c’est un gros pédé ou une grosse lesbienne ? » et selon que j’ai rasé la blague qui me sert de barbe, la balance penche d’un côté ou de l’autre.
Je connais aussi votre colère, mes adelphes LGBTQI+, parce que dès que mon interlocuteur est en mode « Oh pinaise, c’est quoi cette folle », on est dans le même bateau vous et moi. Je la connais aussi parce que je suis un petit paquet de gens sur Twitter et que je lis tout ce qui nous arrive : les trans’ en galère, les trans’ qu’on assassine, les remaniements ministériels ni de droite, ni de gauche, mais toujours plus à droite, les violences policières en manif, ou hors manifs, en particulier pour les trans’, les putes et les racisés. Donc ouais, je suis vénère aussi, même si c’est encore moindre par rapport à celleux qui les vivent encore directement (je suis en retraite de militance, je sors peu et ce privilège blanc joue à fond). Je sais bien que « y a d’la haine et qu’il faut bien qu’on la mette que’que part » ! Mais punaise, faisons du sport pour l’évacuer et canalisons à la place notre Michelle Obama intérieure et répétons comme un mantra : « When they go low, we go HIGH ! » »When they go low, we go HIGH ! » « When they go low, we go HIGH ! »
Parce qu’en chacun d’entre nous il y a deux loups, pour deux types de meutes très différents. Celui qui se croit supérieur, celui qui veut dominer les autres, et les préfères soumis, silencieux ou morts et qui est prisonnier de sa peur d’être dominé, et il y a celui qui est libre, qui donne quand il peut, dit quand il doit se ressourcer, et est serein face à lui-même, et face aux autres. Clairement, les Zemmour et compagnie, ils sont de la première catégorie. Mais nous autres ? Hein ? Clairement, on est pas encore assez dans la deuxième, c’est évident. Attends, v’là un autre bail : un des projets de notre communauté les plus visibles en mode loup libre, est mené par un des « paillassons pour homophobes » de la première partie de ce post. Vous la voyez la grosse zone bien grise ni noire, ni blanche qui se dessine ? Et si celui là, malgré ses amis qui sentent la peste brune dans les badigoinces, il nourrissait plus son loup libre altruiste que nous autres, qui sommes en colère, et que la violence travaille ? Et pis tu la vois toute la bouffe que j’ai donné dans ce texte au loup qui cherche la domination, tout en voulant nourrir l’autre ? Oh, fuck. T_T
Perso, je me dis qu’à nourrir un peu à la demande à la demande les deux, je me serais pas un peu fourvoyé ces dernières années. Et toi, t’as fait un pacte avec quel loup ?
Crédit image d’en-tête : inconnu retouches par moi (S’il s’agit de votre travail, merci de me le signaler afin que je puisse, au moins, vous créditer)