Y a pas photo

Je n’ai pas le réflexe dee faire des photos. Je n’ai pas l’instinct du cadrage, je n’ai pas la patience d’y réfléchir non plus et souvent, l’instant qui mériterait photo ne permet pas d’attendre. Je vis l’instant, je l’apprécie, et ce qui restera à ma mémoire sera la sensation de ce moment. Et peut-être qu’elle n’y restera pas. My loss, afterall. J’apprécie pourtant les photos, quand elle sont belles, quand elles convoquent des souvenirs doux ou moins doux, chauds à mon coeur ou pas. Mais je n’ai pas le réflexe. Et pourtant j’ai eu des appareils photo.

Avant les appareils numériques, j’avais un automatique Pentax, aux formes arrondies, très agréable en main. J’ai fait moins de 3 pellicules de photos avec pendant mes 4 années de collège (1991-1995). Une en voyage scolaire, une en vacances avec les parents un été, et l’autre au fil du temps ensuite. Je ne sais absolument pas ce que sont devenues ces images depuis. J’ai plus souvent oublié de le prendre avec moi qu’autre chose ensuite. jusqu’au jour où, en tombant dessus, une fois des piles neuves remises, j’ai découvert qu’il ne fonctionnait plus. So long, mon Pentax.

Bien plus tard, lorsque je suis arrivée à Paris (2006) ou l’année suivante, ma mère m’a offert, à Noël ou à mon anniversaire, je ne sais plus, un appareil numérique. J’habitais au sixième sans ascenseur dans un immeuble d’arrière cour, Boulevard Haussmann, appartement quelconque en attente de rénovation, à loyer amical (ma mère connaissait les propriétaires), mais quartier sympa pour faire des photos. J’ai pris des portes d’immeubles, des éléments d’architecture que je trouvais intéressant. J’ai fais quelques photos en soirées avec des potes. Je me disais qu’il faudrait que je vide la carte SD, à un moment, mais je n’avais toujours pas remplis les 64Go. Et puis, un soir, je me le suis fait piquer. Prélevé dans la sacoche que j’avais en bandoulière sans que ni moi ni les personnes avec moi ne nous en soyons rendus compte. Moins d’un an après l’avoir reçu.

Depuis 2009, j’ai eu plusieurs smartphone, mais force est de constater que j’en ai rarement extrait les photos. Mon iPhone a rendu l’âme quelques semaines après mon retour en Bretagne en 2011, avec les images de la fin de ma vie parisienne dans son ventre. Mes deux Galaxy S sont mort de chutes et dorment Dieu sait dans mes affaires chez les parents, et j’ai un Huwei P9 Lite, depuis décembre 2016 et mon arrivée à Rennes. La deuxième constatation, avec mes smartphones, c’est que j’ai plus pris de photos à titre utilitaire (pense bête, planning du boulot, photos de contrôle pour le boulot) que de photos souvenirs. Et quand je vois un moment qui mériterais que je prenne une photo, une fois sur deux je n’ai pas mon téléphone à portée de main, la moitié des fois restantes, j’ai déjà les mains occupées, et enfin, le dernier quart, je suis trop long à réagir, le moment passe.

The Duncan est capable de sortir son téléphone (un Google Pixel, purée ce que ça fait des belles photos, cette bécane) en un instant pour mitrailler ce qui capte son attention du moment, d’une oeuvre d’art à un pense bête pour demain. Faire des photos avec son téléphone, pour un oui ou pour un non, et les partager via MMS lui est aussi naturel que d’aller pisser. Moi pas. je n’ai jamais eu le réflexe de faire des photos quand ça allait bien dans ma vie, je l’ai eu encore moins quand ça allait moins bien, je trouvais tout cela tellement vain, à quoi bon, de toute façon, à la fin, on meurt. Et je me rends compte, maintenant que ça va mieux dans ma vie, que cet à-quoi-bonisme est encore un peu là. Et je le regrette, de plus en plus l’âge avançant.

Parce que j’adore les photos des autres. Aussi bien mes amis qui font de la photo d’art, de la photo passion ou de la photo passion. Parce que j’ai grandi avec des album photos. Je sais le plaisir que cela procure de pouvoir replonger dans des moments de vie, bons ou moins bons. Parce que la mort de la Reine m’a tellement saisi·e, il y a trois ans déjà, et j’ai réalisé que j’avais si peu de photo de lui. Parce que je vois ma mère continuer à faire des photos, à faire l’effort (parce que pour elle, se plier au numérique est un effort, question de génération) pour les partager, pour les sauvegarder en dehors de son téléphone, parce qu’à 70 ans, elle sait que le temps est compté et qu’il faut vivre chaque moment ensemble pleinement et l’immortaliser. Avant que…

Idéalement, je voudrais avoir un appareil photo intégré dans l’oeil, qui prendrait une photo quand j’y pense : devant les lumières mordorées du crépuscule, au début de l’été, les premières lueurs de l’aube, devant les garçons et les filles qui attirent mon oeil dans la rue, devant les angles que je perçois parfois alors que je ne suis pas du tout en situation de sortir un appareil, pour immortaliser sur le vif le bonheur de mes proches d’être réunis, ou les moments où je les trouve particulièrement be.lles.eaux, pour prendre tous ces instants du quotidien où je me suis senti bien. Mais clairement, la technologie bio-cybernétique pour ce genre de truc est loin d’être au point. Alors, je me dis que ce serait bien, que j’en prenne l’habitude. De faire des photos. Un peu plus. es photos. Un peu plus.

Parce que le temps perdu ne se rattrape plus, comme le dit Barbara. Parce qu’on ne peut que, ponctuellement,avec une photo, un bibelot, une madeleine (Merci, Marcel.), ou une recette de far, le convoquer, et, ô combien fugacement, le retrouver.

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