Derrière les portes closes, la cour entre les immeuble baigne dans l’obscurité fraîche de cette nuit d’avril.
Le ciel est clair. L’éclairage public s’est éteint il y a quelques minutes. Lorsqu’il ouvre les yeux, Léo discerne sur le velours bleu marine quelques têtes d’épingles qui scintille. Ses lèvres tiennent le filtre de sa cigarette allumée. Ses joues se creusent légèrement. La lueur rougeoie devant ses yeux. Adossé au mur, Il savoure l’instant. Cette douce sensation de chaleur sur sa langue. De plénitude en bouche. Puis, la fumée monte dans un soupir.
Que ces moments volés à la nuit, aux autres, à la ville, au monde lui sont précieux. En cet instant, il se sent vivant. Chacun de ces épisodes brefs, épars, sont ce qui fait le sel de la vie. Il en est persuadé. Il n’y a rien de meilleur qu’eux. D’ailleurs, à dix-sept ans, il ne vit que pour ça. La main gauche dans ses cheveux, pour accompagner le mouvement.
Il inspire à fond l’air nocturne du printemps. Un frisson lui parcourt la colonne vertébrale alors qu’il souffle. Les pieds bien ancrés dans le sol, les épaules calées contre le mur, ses fesses caressant le béton par intermittence. Il ramène la clope à ses lèvres tout en continuant d’onduler des reins. Ce n’est plus qu’un mégot. Il savait bien qu’il était sur la fin de toute façon. Il inspire une dernière bouffée de nicotine, puis envoie valser d’une pichenette le filtre à l’autre bout de la cour.
Il ferme les yeux. Il n’y a plus que leurs souffles. Et les murmures de la nuit urbaine, de l’autre côté, dans la rue. Et puis, l’extase. Intense. Fugace. Quelques secondes d’anéantissement total de soi. Et puis l’autre se relève. Encore un peu sonné, il l’enlace tendrement. Ils rient doucement comme deux gamins. S’embrassent.
Le goût de soi, sur la langue de l’autre. Léo adore ça.