Comme la plupart des pédés et autres queers androphiles, j’aime bien, sur Twitter (vu que c’est le dernier de mes réseaux sociaux en ligne), suivre, aussi, à l’occasion, des comptes d’eye candy -ou de thirst traps, comme c’est devenu la mode de désigner ce genre de clichés. Que les garçons s’y exposent partiellement ou optent pour le Full Monty, ou que parfois ça ne soit même que l’un ou l’autre détail d’une anatomie à caractères virils. Et je me rends compte que si à une époque, elles retenaient une large part de mon attention, et que si j’en trouve encore des jolies, des alléchantes et, parfois, me retrouve même face à du « phallum tremendum et fascinans », les bites ne m’intéressent plus autant qu’avant. Enfin, malgré des appétits dépassant la simple charcutaille, et un goût large pour des anatomies que je dirais non consensuelles, demeure tout de même une attirance esthétique prédominemment viriliste : une carrure, du muscle, du poil, pas trop lisse de préférence, tatouages et piercing sans excès mais bienvenus, peaux de toutes les couleurs que la nature prévoit.
Un des dangers, à suivre ce genre de compte, répondant aux codes virilistes parfois digne des pires mascus fragiles hétéros d’extrême-droite (à ceci près que souvent les miens aiment bien sucer des bûches à l’occasion) c’est de se comparer, et de constater, over and over and over and over again, qu’on ne ressemble pas à ça, qu’on y ressemblera jamais et s’en culpabiliser. C’est un des héritages toxiques de l’homophobie intégrée : quand tu es pédé ou queer aimant les garçons, soit tu décides une bonne fois pour toute que tu t’en fous des codes et des headshot homo-queer-phobes (« You shoot me down, but i won’t fall, I’am titanium ! » comme dirait Sia*), soit tu deviens plus viril qu’un cis-het, au quotidien, pour éviter lesdits headshot (Effort vain, t’en prendras moins dans la gueule, mais t’en prendra quand même, autant être folle et libre, virile mais LIPSTICK & MASCARA, Baby !). Bref, le risque de se comparer et de se déprécier, à cause d’un prisme déformant, est un réel danger. J’ai été victime de ça. A une époque.
Et puis il y a ce truc que décrit le personnage de Henry à la fin de Cucumber, lors de son échange avec Freddie, après plusieurs années sans s’être vus. Il décrit cette obsession sexuelle lancinante que créé/créait, l’impression d’être le seul pédé du village, cette peur issue de l’isolement, de passer à côté du partenaire/de la bite idéale, faute d’avoir pu la rencontrer, celle qui en a poussé et en pousse plus d’un à se perdre en sauna et autres boîtes à cul à certains moments de leur vie, jusqu’à l’excès (Et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Tout le monde ne se perd pas au sauna ou en boîte à cul, certains, seulement.). Magistralement illustré par la fin de leur échange : « Always in search… » « Of what ? » « The next cock ! » Cette espèce de FOMO de notre étalon pédéistique personne qui trouve aujourd’hui son transfert, paradoxalement, sur l’infinité illusoire des profils sur les applis de rencontres, sur les réseaux sociaux, où chacun se met en scène, et s’expose, parfois crûment, mais toujours choisi. Cette attitude à l’affût, que la profusion d’eye candy, à l’esthétique plaisante, objectisée, sérielle, compulsive, entretient-elle aussi. J’ai été victime de ça, à une époque.
Mais 23 ans de vie sociale et sexuelle active m’ont appris plusieurs choses :
Le Six Degrees Of Separation se réduit facilement à « four degrees » quand on est queer, et à « two degrees » si en plus on est connecté. Bref, tous les pédés et queer androphiles que je connais, que ce soit intimement ou juste comme ça, se sont croisés ou se connaissent de près ou de loin. Leurs bites sont interchangeables, et même celles avec lesquelles je me suis le plus amusé, je serais bien incapable de les décrires (alors que je reconnais certains de mes acteurs porno fétiches à leur membre, quand même !). Et eux aussi ont oublié ma petite bite pour la plupart, certains sont même revenus en souvenir du fun, et se sont étonnés de l’avoir oubliée. Eux comme moi, finalement, n’oublions pas les gens que nous avons appréciés, même une heure, ou même le temps d’un quickie. Parce que ce sont les partenaires qui comptent. Alors finalement, le partenaire idéal, c’est celui avec qui ça clique, pour une nuit, pour une semaine, pour un mois ou pour la vie, tout cela me va bien.
J’ai couché avec des très beaux, et des très moches (C’est subjectif, certes, quoique certains feraient l’unanimité pour ou contre eux) avec quelques petites bites, tout un tas de bite moyennes et quelques grosses teub (Et, de fait, je rejoins totalement l’adage : « c’est pas la taille qui compte, c’est le goût ! »), elle se valent toutes, et parfois votre « dieu du sexe » est le « pire plan cul » d’un autre. Chacun est le maître étalon de sa vie sexuelle, ce qui compte c’est de trouver le ou les partenaires avec qui on trouve le bon tempo et le respect commun. Et même pas forcément les mêmes kinks. Mais le tempo et le respect. J’ai failli ajouter le rire, mais à bien y réfléchir, certains aiment la baise sérieuse, athlétique, performative, d’autres aiment le sexe relax et rigolard, question de tempo, justement.
Enfin, il faut réaliser ce qu’on a. Je suis loin d’être un canon. Je ne l’ai jamais été. Pis, en vieillissant, j’ai pris 25 kilos et définitivement arrêté de correspondre à un canon quelconque de la beauté (sauf à être mannequin saindoux, chez Olida). Mais je suis câlin, je suis gentil, je ne suis pas casse-couille au quotidien, tout en sachant ce que je veux et ce que je ne veux pas dans la vie, je sais qui je suis, je sais mes défauts autant que mes qualités (mais REELLEMENT, c’est à dire que je n’enjolive jamais les premiers et je suis très strictes sur les secondes). Et pourtant, tout ce temps, j’ai bâti des relations de plus en plus intéressantes, à tous points de vue, mais particulièrement depuis 5 ans. Se comparer, être à l’affût perpétuel, cette illusion totale. Je n’ai jamais été aussi heureux que depuis que je ne suis plus à l’affût, depuis que j’ai arrêté de me comparer. Et les relations n’en ont été que plus riches, dont l’actuelle, qui est en train de devenir ma relation étalon pour construire les autres, tellement elle est simple, franche, évidente.
J’avais déjà compris tout ça depuis un moment, mais ça à fait surface à ma conscience subitement, de façon très claire, il y a quelques jours, quand quelqu’un à posté la version étendue de la photo ci-dessus, qui illustre également cet article en page d’accueil du blog. Sur la version étendue, on voit le visage du monsieur, l’intégralité de son service trois pièces et de ses cuisses, en plus. Mais en likant la photo, je me suis fait la remarque : « Qu’est ce que tu t’emmerdes à liker cette photo sur les réseaux sociaux, t’en a un gaulé juste comme ça IRL ». Damn, The Duncan is my own private Idaho eye candy. And so much more. And better.
*Oui, je sais, elle a fait un film waaaay problématique sur l’autisme, mais citer une phrase d’une de ses chansons, pertinente dans le contexte, ne lui fait pas gagner un kopeck et ça ne fait pas une promo dudit film, d’une part, et concernant les gens problématiques qui font de l’art, d’autres part, j’ai de façon générale de plus en plus le même avis que sur Bertrand Cantat et mes albums de Noir Dés’.
C’est vrai qu’on change drôlement avec le temps et l’expérience (et les kilomètres de bite sans doute ^^), et c’est souvent pour le mieux je crois.