J’aime bien lire João Gabriel sur les sujets intersectionnels. Parce que je trouve qu’il ne se contente jamais de rester en surface mais pousse systématiquement la réflexion plus loin. Que ce soit sur les questions LGBTQI, les question de racisme ou sur la militance elle-même. Un des guides perpétuels de sa réflexion est la question de la politisation, l’autre est la capacité qu’on met à rendre nos réalités accessibles à autrui, à les lui faire intégrer. Pousser la sociéter à nous intégrer nous, et d’autres encore différents de nous, plutôt que d’accepter l’antienne rétrograde, reprise désormais jusqu’au Parti Socialiste, « s’intégrer dans la société pour faire accepter nos différences ». Rester militant de façon pertinente et impactante tout en faisant société, sans trop de concessions, mais avec réflexion. Il n’est jamais complaisant dans un sens ou dans l’autre. Un fil ténu, compliqué à tenir, mais qui ne cesse jamais de m’interpeller, plus souvent positivement que l’inverse. Sur les questions LGBTQI, qui sont notre terrain militant commun, forcément, plus encore que le reste. Dommage qu’il ne s’exprime plus guère dessus.
Dans sa réflexion, depuis longtemps, une des lignes majeures, c’est comment dépasser l’unique « ressenti individuel » pour construire le discours politique militant communautaire. Ce ressenti, qui est, effectivement, très personnel, intime, peu tangible pour autrui (sauf pour qui a un ressenti proche ou une très grande empathie) et qui vaut notamment à la communauté trans’, non-binaire, ou xénogenre de se prendre de ses détracteurs des caricature telle que : « moi mon genre c’est hélicoptère d’attaque ». Bref, comment sort-on du « je », du ressenti et son écueil, pour traiter du genre avec une approche politique. Une ligne de pensée qui m’intéresse particulièrement, parce qu’elle fait écho à mes propres réflexion intérieures quand à ma non-binarité. Est-elle politique uniquement parce que je la ressens, parce que je la revendique ou parce qu’on m’y renvoie (la réponse se joue entre les deux dernières parties, la première ne regardant que moi !)
Les thread de João ne sont pas toujours faciles à lire, parce que la réflexion est poussée, et encore moins a entendre pour certain·e·s, parce qu’il n’hésite pas à caresser ses propres communautés pas tout à fait dans le sens du poil, mais c’est généralement pour mieux l’orienter, pour peu qu’on ne s’offusque pas de l’ébourrifage initial. Sans jamais se placer du côté de l’opresseur/de la culture dominante sociétale, bien au contraire, il fait dans la nuance de tons, les demi-teintes, et pas dans les couleurs tranchées usuelles de la militance. Parce qu’avec lui on dépasse cette dernière pour entrer dans du positionnement politique, du rapport au concret, du quotidien, on s’adapte, on concède, on fait avec ce qui est et tout de suite c’est bien moins simple que d’étaler des grands principes en les posants pour acquis et faire avec ce qu’on voudrait qui soit. Cela pose aussi la question des curseurs de sa propre intransigeance intellectuelle et de leur degré d’adaptabilité. A quel point je peux me permettre d’être exigeant·e avec l’autre ? A quel point je suis exigeant· avec moi-même vis-à-vis de l’autre ? Où se trouve le juste milieu, s’il existe ? Comment s’articule-t-on, moi et autrui autour de ce juste milieu ou de sa non existence au quotidien ?
Et, aparté, cette question des curseurs, elle se pose, au final, politiquement au niveau sociétal jusque socialement dans l’intime. Est-ce que je coupe les ponts avec mon père parce qu’il est tellement à la ramasse sur les questions LGBTQI que de toute façon ça ne le fera jamais sur le sujet ou est-ce que j’accepte le fais que son vécu et sa vérité intérieure me sont tout aussi insondables que les miennes le lui sont et, parce que nous nous aimons, tentons de construire une relation d’acceptance et de respects tant de ce que nous voyons de profondément humain chez l’autre que de ces insondés mutuels ? Comment je concilie mon soutien à la lutte contre le racisme et le fait qu’un de mes amoureux cure une collection d’oeuvres d’art africaines originales plus importante que celle du Quai Branly sur ce type d’oeuvre ? Comment je concilie mes idées profondément de gauche sociale et développement durable avec le fait que je vais me pacser dans le 1% et qu’on va prendre l’avion au moins une fois par an pour traverser la moitié du globe pour aller en vacances dès que ce sera de nouveau possible ? (Voilà un peu ce qui me travaille l’arrière du ciboulot ces derniers temps). Comment je concilie des idéaux et des postures militantes tranchées et rapport à un monde et à des relationnels plus complexes et nettement plus nuancés, parce que « la vie, quoi, bordayl ? »
Je n’ai pas de réponse préformatée à tout ça, sauf peut-être à la première: j’ai choisis de passer outre les insondables mutuels que nous avons avec mon père, pour tenter de construire avec lui une relation de respect et de reconnaissance mutuelle en humanité, parce que toute compliquée qu’elle puisse être à construire, c’est celle qui nous apportera le plus de paix intérieure à tou·te·s les deux. . Et ce choix là est facile parce qu’il impacte peu ma légitimité militante LGBTQI. Mais c’est aussi, un début de réponse au reste, en soi. Les deux autres impactent ma légitimité militante anti-raciste et ma légitimité militante de gauche autrement plus directement, par contre. Je suis un peu dans la même situation que Diane Lockhart, avocate Démocrate, par rapport à son mari Kurt Mc Veigh, expert ballistique Républicain, dans The Good Fight, dans cette cinquième saison. Et de la même façon qu’elle n’a pas l’intention qu’elle n’a nullement l’intention de renoncer à leur mariage, elle n’a nullement l’intention de renoncer à ses combats, même si la perte de légitimité politique qui découle de sa situation, doit clairement l’obliger à repenser sa façon d’agir en la matière pour trouver le juste milieu. S’il existe. Ou continuer d’assumer ce grand-écart, incompréhensible vu de l’extérieur, mais est-ce l’extérieur le plus important ? J’espère bien que l’équipe à l’écriture de la série ne va pas opter pour la solution de facilité (la faire divorcer de Kurt) et explorer jusqu’au bout ce vivre ensemble paradoxal qu’on ne peut trouver que dans l’intime, parce que c’est aussi là que se trouve certaines des clés individuelles d’une forme de réconciliation collective dans le politique, à mon avis. Bon, le Duncan, est quand même nettement moins de droite que Kurt McVeigh. Mais je me doute bien que je vous perds, là, sur de l’intime qui plus est, alors que la question est justement d’en sortir, pour se poser politiquement.
y a quelques temps, João expliquait qu’il ne s’exprimait plus beaucoup sur les sujets militants LGBTQI, parce que la nouvelle génération se choque pour un rien, au lieu de pousser la réflexion plus loin. Et s’est fait tomber dessus par le twitter trans’ non-binaire semi-militant, Mais revenons au propos de João, qui s’exprime en tant qu’homme, trans’, racisé (c’est du moins de que j’ai cru comprendre depuis le temps que je le lis) :
« ms pk tu ne parles plus trop des questions queer/trans? » ben car jsais plus où donner de la tête avec une new génération qui trouve ça « choquant » qu’on dise que 1/le genre c’est avant tt une assignation correspondant à une position ds les rapports sociaux, ps juste un ressenti
ce qui veut dire 2/ qu’il est légitime de questionner l’effacement du processus de transition (réalisée ou empêchée) ds la définition du sujet trans, qui auj est un sujet se définissant avant tt par l’affirmation du « je me sens être X » et ça a des conséquences politiques telles que
3/ la centralité du discours néo-trans sur la reconnaissance par les autres de l’identité, le respect des pronoms, l’invention de new pronoms, voire en avoir plusieurs, et les accorder différemment, comme si tt le monde allait devoir gérer les coquetteries individuelles de chacun
c une pulsion narcissique à l’opposée de l’enjeu politique de penser, au delà de nos « moi », ce qui donne à un sujet politiq sa consistance de grpe, ses orientat° collectives (ms encore ft-il accepter que la politique est une réponse aux assignations, pas une quête existentielle)
bref on est loin de tout ça, la discussion me semble dominée par du « c moi qui me définit, c pas les autres », dc à part des projets très circonscrits avec des gens dont je connais les orientations (sur questions afro, le féminisme…) franchement je préfère me tenir loin mtnt
que faire qd les gens considèrent par principe qu’injecter de la contradiction c’est « être violent » ? vu que c’est le « je » qui définit l’enjeu trans, si tu contredis, tu vas contre leur « moi » (c même pas fake, ils le vivent vraiment ainsi), dc discussion complètement impossible. »
En matière d’inclusivité, j’ai dopté définitivement ceux qui me paraissaient le plus facile à intégrer au langage quotidien : iel/iels, celleux, et j’utilise de plus en plus la féminisation des pluriels mixtes, et l’utilisation de formules épicènes ou du point médian. Même si cette dernière m’est moins systématique. Pourquoi ces pronoms là et pas d’autres ? Parce qu’ils sont linguistiquement proches de la langue existante, tout bêtement, et juste ce qu’il faut de différent pour que quelqu’un·e d’attentif le note et soit interpellé, positivement si concerné·e, interrogativement si pas éduqué, ou négativement si c’est un gender critical, mais surtout, suffisamment proche linguistiquement pour que quelqu’un de non concerné non attentif ne les remarque pas, le meilleure exemple dans mon entourage étant : mon père y est totalement oblivious, par exemple,alors qu’il va se poser en gros gender critical si on aborde frontalement le sujet, tellement il n’y comprend rien, et ça l’effraie tellement il n’y comprend rien. Alors que là qu’il a des pronoms non-binaires dans l’oreille à chaque conversation courante qu’on a et qu’il ne moufte. Et je pense que ceux sont ces formes là qui sont les plus à même de rentrer dans le langage courant, à l’usage, pour ces raisons. D’ailleurs pour étayer ce point de vue : regardez les réactions épidermiques face au point médians, alors que les formulation épicènes passent crème. Bref, on y arrivera en s’infiltrant discrétos dans les interstices linguistiques que sont les accord de proximité, les formulations épicènes et des pronoms et formulations inclusives proche de ce que les non-concernées ont dans l’oreille.
Sur la question de l’inclusivité, j’ai donc déjà pas mal réfléchi et changé mes usages largement en adoptant ce qui s’est révélé facilement adoptable, d’expérience. En revanche, malgré toute la bonne volonté du monde je suis fort·e incapable de multiplier durablement les pronoms non-binaires en fonction des préférences de chacun·e·s. Pour ne citer que ceux dont je me rappelle : al, ol, ul, ille, ix, et les accords qui vont avec certains, suffixe -m ou -x aux épithêtes. Et ce n’est pas faute de m’y être astreint pendant plusieurs années, par conviction militante, au départ. Dans une conversation ponctuelle avec une seule personne, ok, soit. Mais encore faut-il m’en rappeler d’une fois sur l’autre, d’une part et, si on multiplie les pronoms par autant de personnes non-binaires dans un contexte social, d’autre part, je finis par ne plus savoir qui est ol, ul, al, ille, ou, pis, qui remplace aussi le « tu » d’adresse directe par son pronom choisi, et pas seulement la troisième personnes du singulier… Et je me retrouve à me me replier sur le iel/iels pour éviter de mégenrer gravement tout le monde, sans trop froisser les désidératas individuels en restant sur du non-binaire. Et depuis presque deux ans, je me limite désormais à ces deux là. Oui « la langue française est une langue affreusement binaire » et la dé-binariser ou du moins la rendre plus épicène, est être un travail sur le long terme, qui peut sans nul doute améliorer l’intégration des personnes. Mais dans l’immédiat, la multiplication des pronoms non-binaire n’améliore en rien le combat politique pour une reconnaissance civile de la non-binarité, au contraire, même, et ne change rien à l’intégration sociale par la société des personnes trans en matière de logement ou d’emploi. Intérêt individuel, moui, soit, intérêt collectif 0. Là où je trouve que João se tire une balle dans le pied dans son thread c’est qu’il ne semble pas faire le distingo entre la question de l’existence même d’une pronominalisation non-binaire, d’une part, (qui, est un enjeu militant, et politique, pour la reconnaissance civile de la non-binarité du genre) et la multiplication des pronoms non-binaires différents, d’autre part (qui, pour le coup, selon moi, relève en effet d’une forme de coquetterie, un rien narcissique).
Et je le rejoins, ensuite sur la partie concernant ceux qui considèrent qu’injecter de la contradiction c’est être violent. Ce n’est pas parce que je ne dis pas « Amen » à tous ce que tu dis qu’on ne travaille pas dans le même sens. Et j’admets que j’ai moi-même parfois du mal à gérer la contradiction, en particulier sur les réseaux sociaux. Ma solution est devenue de ne pas répondre. Pas immédiatelement du moins. Me laisser le temps d’évacuer l’émotion négative qu’elle apporte. Pour relire à tête reposée. Et voir si j’en tire quelquechose. Cet éclairage différent va-t-il élargir ma vision d’un sujet ou au contraire la confirmer ? Si je me braque d’emblée vais-je jeter un bébé avec l’eau du bain ? Et peut-être, même un bébé que mon contradicteur n’a lui-même pas vu ? Bref, si je dois répondre, j’aurais pris le temps. Ou alors c’est que j’ai déjà avisé 1000 fois le point de vue du contradicteur, ex : un homme cis blanc hétérosexuel critique vis à vis des questions de genre, et là, ça sera généralement : « Dude, j’ai littéralement bataillé toute ma vie pour déconstruire ton point de vue qu’on a voulu me faire avaler de force, bouge de là et retourne jouer avec ta quéquette dans le bac à sable, les grandes personnes discutent, là ». Bref, il faut savoir laisser sa juste la place à la contradiction en fonction de là d’où elle vient. Et de la part d’alliés multi-concernés, tant que c’est pas pour reprendre le discours du mec cis évoqué plus haut, je veux bien écouter la contradiction. Ce qui ne veut pas dire que je vais y souscrire, mais je vais faire de mon mieux pour l’entendre. Et sans doute qu’elle participera à mon édification personnelle ultérieure, à ma façon d’envisager mes réflexions ultérieures, à sa mesure.
Quand la moitié tu Twitter trans’ et non-binaire lui est tombé dessus pour le mot coquetterie sans même lire plus avant ce qu’il exprimait, ça m’a troué. Il montre la lune : à savoir appeler à dépasser le ressenti individuel pour penser politiquement la militance (pour un meilleur impact, et donc une meilleure capacité de changement sociétal, et nous éviter les critiques en individualisme et les parodies en mode « moi-mon genre c’est hélicoptère d’attaque » et autre merdes du style) et les gens regardent le doigt « la multiplcité des pronoms non-binaire est une coquetterie » et décident de le balancer aux orties, tel un Zemmour dont il est pourtant tout l’opposé, et tellement plus brillant intellectuellement, dans une réaction épidermique qui ne souffre aucune réflexion, animale presque. Je n’ose imaginer ce que feraient les babys militants des propos d’un Michel Foucault, d’un Pierre Bourdieu, d’une Judith Butler ou d’une Monique Wittig et j’en passe. Bon encore faudrait-il les lire. Ce qui est rarement le cas des babys militant, et celleux qui s’y essaient s’y cassent les dent en majorité, faute d’une maîtrise suffisante de la langue pour saisir toutes les finessse d’un travail universitaire de haut niveau. Et du coup, reste la militance de surface, le pendant queer de la militance réac : peu de réflexion et des réflexes de rejet violence à la moindre sensation de contradiction ou dès qu’on sort de positions tranchées et très adolescentes dans leur absolutisme. Tout ça manque de culture, de poids de réflexion, et d’expérience de vie en collectif hétéroclite à tous points de vue et uniquemnet en surface.
Leur rejet a été tellement violent que j’en ai eu des envies de test d’humanité à base de Gom Jabbar, façon Bene Gesserit, avant de me rappeler de cette vidéo qui explique que la pauvreté (intellectuelle, sociale et économique) n’est pas un manque de caractère, mais bien un manque de cash, de liquidités financières. En gros plus t’es dans la merde financièrement, plus ton esprit est accaparé par la nécessité de subvenir à tes besoins basiques, et moins il peut allouer de ressources cérébrale à la construction d’une réflexion poussée quel que soit le sujet que ce soit. Bref, plus t’es dans la merde, plus tu te rapproches de l’animal, et moins tu penses de façon élaborée (et plus tu risques de virer complotiss, extrême droite, QAnon, et j’en passe). Attention l’inverse, avoir des liquidités financières et un confort économique, n’implique pas d’avoir la meilleur des réflexions du monde, mais tu as une meilleure base pour faire des choix éclairés, puisque tu as moins le soucis de ta survie immédiate, si tu ne les éclaires pas, c’est ta faute. Etre de droite, plus ou moins dure ou extrême, reste la solution de facilité, comme le disait Darroussin. Bref, les multidiscriminés ont déjà du pain sur la planche à gérer au quotidien et je ne suis pas Gaius Helen Mohiam pour les juger. Et si on s’en tient à mon namesake Dunesque, je suis sensé être bien même bien au delà d’une révérende mère ou d’un Kwisatz Haderach* (en fait non, mais il faut viser haut, hein), du coup pas de Gom Jabbar. Et puis qu’est-ce que le Gom Jabbar, finalement, sinon la version sophistiquée et létale de la fonction « Mute/Mask/Block » de Twitter, hein. Qui n’est elle même qu’une version sophistiqué du « TA GUEULE » qu’ont adressé toute ces personnes à João. Pas très civilisé non plus finalement, ces révérendes mères !
Le plus gênant dans tout ça, ce sont les gens qui accusent João, de nier les oppressions qu’il prétend combattre. Au contraire, il ne les nie pas, il entend même partir précisément de ces oppressions, et des mécanismes qui font qu’on est oppressé en tant que LGBTQI pour définir politiquement la lutte. Ce n’est pas le ressenti de genre qui suffit à faire la discrimination, c’est la perception par l’extérieur de nos identités queer/non-binaire ou transgenre, réelles ou supposée et les réactions négatives qui s’ensuivent qui la font. J’en veux pour preuve Guillaume, dont j’ai parlé ici, qui s’est fait bully en primaire parce que son identité de genre n’était pas claire pour les autres enfants, alors que pour lui elle était claire. C’est donc bien les comportement discriminants de la part des autres qui font la discrimination, quel que soit notre ressenti. João a raison de dire qu’on se goure à en faire l’alpha et l’oméga du discours militant. Le ressenti, il fait nos expériences intérieures communes, mais il ne fait pas la justification de nos revendication politique au delà du simple droit à l’autodétermination. En revanche, attaquer la société sur le fait qu’elle nous traite mal dès lors qu’ELLE nous perçoit, à tort ou à raison, comme gender non-conforming est bien plus pertinent politiquement. Parce que ça oblige à interroger la société et sa masculinité toxique plutôt que de devoir justifier des ressentis.
Un exemple récent du problème des revendications basées uniquement sur le ressentis et pas sur les discrimination effectives ? Oli London. je ne sais pas comment la commu trans’ française a réagi à cel britannique né·e de parents bien british qui se revendique coréen et se fait refaire la plastique pour avoir l’air coréen et jure qu’iel est discriminé sans que je vois bien comment, mais perso, je suis comme une poule devant une fourchette face à iel. Est-ce qu’on peut considérer qu’iel est coréen sur son ressenti ? Ce qui nous amène à nous poser la question : c’est quoi la réalité d’être coréen ? Est-ce qu’on verse dans l’essentialisme (il faut être avoir au moins un parent coréen ou d’origine coréenne ?) Mais dans ce cas là est-ce qu’on est pas avec iel comme les TERFs avec les personnes trans’ ? ou on part de son ressenti uniquement ? auquel cas tous ceux qui mettent en doute la légitimité de sa revendication sont transracialophobes. Vous sentez le parallèle malaisant avec le discours LGBTQI basé uniquement sur le ressenti ?
Essayons maintenant de voir s’iel est réellement discriminé (empêché de s’intégrer socialement) en tant que coréen (perçu comme tel à juste titre ou non). Les militants anti-racistes d’origine coréenne apparentent sa démarche à de l’appropriation culturelle, et je les comprends,(même avec toutes les limites que je trouve au concept d’appropriation culturelle). De plus, Oli London peut tout à fait obtenir la nationalité en remplissant les conditions administratives requises (avoir vécu 5 ans là bas, ou épouser un·e ressortissant·e du pays). Ensuite,ses derniers essais musicaux ont été des succès au classement iTunes de KPop (8ème au classement, quand même), et ce malgré la controverse sur sa transracialité, et iel a réussi à réunir plus de 200 000 Livres Sterling depuis 2013 pour ses opérations de chirurgie plastique. J’ai beau y mettre de la bonne volonté, je trouve qu’iel ne s’en sort pas si mal jusque là, sociétalement parlant. C’est juste une personne un peu barrée, avec une lubie à l’intersection du fétichisme et de l’identification, qui ne fait de mal à personne sinon à lui-même (et a un degré de gravité qui est très subjectif à évaluer), mais de là à parler de discrimination… Reste les moqueries et les retours négatifs dont ils fait l’objet iel est l’objet depuis son coming-out. Si on s’en tient à la rhétorique du ressenti, le seul fait qu’iel les vive mal suffit à les considérer comme une discrimination transracialophobe, et c’est exactement le discours qu’il tient. Et c’est un des discours de nos communautés sur l’homophobie et la transphobie. Toujours à l’aise avec la comparaison ? Et forcément l’extrême droite internationale ne perd pas un miette du rejet de l’argumentaire d’Oli London par la communauté LGBTQI et intersectionnelle, qui tire par là même, une balle dans le pied d’une partie de sa rhétorique habituelle.
Bref, aussi sûrement qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, un ressenti individuel (ou une masse de) ne fait une base solide politique pour revendiquer des droits, qu’on se le dise. Sinon Patrick Balkany a raison de gruger le fisc, s’il ressent que c’est sa nature profonde, tant qu’on y est. Alors j’admet, les babys queer militants, vous avez pas la tâche facile, on manque cruellement d’archives LGBTQI dédiées, historiques, culturelles, militantes. Et du coup vous vous retrouvez à chaque génération de militants (et on sait le turn-over après chaque avancée, tellement celleux qui l’ont obtenues sont rincés) à réinventer le fil à couper le beurre à tous point de vue. Du coup bâtir une réflexion profonde et politique sur nos problématiques n’en parlons pas.
Mais, mince, quand vous poussez à se taire sur le sujet quelqu’un qui justement en a de ces réflexions militantes construites, constructives et enrichissantes sur nos luttes, alors que vous n’êtes même pas capable de monter d’action pour ne serait-ce que faire entarter, Eric Zemmour, forcément, je suis déçu (je sais vous vous en foutez bien). Vous me faites tellement penser à ces pédés cis embourgoisés qui trouvent que les drag queens, les groupes kinks à moitiés à poil, et les créatures trop visiblement queer « ça dessert la cause ». Vous vous êtes Twitt-bourgeoisé·e·s, et je ne trouve pas ça tellement mieux que les pédés cis mentionnés juste avant.
Et pardon pour la longueur de ce billet, mais, j’avais pas fait de billet sérieux de ce genre depuis un moment, et ça fait 15 jours déjà, que celui-ci tournait dans ma tête sans que je ne parvienne à m’attèler à son écriture… L.
*Si il avait existé des truites des sables, je ferai clairement le choix de la métamorphose et du sentier d’or, comme Leto dans le livre, maintenant que j’ai pris le dessus sur mes mémoires secondes. A défaut de truites, ça ne vaut même pas le coup d’être Paul, bien trop d’emmerdes pour se retrouver au final prisonnier de ses propres visions sans avoir l’impression d’avoir fait avancer le Schmilblick !
J’ai failli rater ce post, comme quoi c’est bien de rattraper ses flux RSS en vacances !! 😀 C’est très très intéressant ce que tu expliques là, même si je suis largué sur pas mal de concepts. J’ai moi-même changé et ai acquis quelques réflexes pour être plus inclusif dans mon écriture. J’ai de l’espoir que les choses changent, ça ira doucement mais surement ! ^^
Largué, oui et non, tu fais acte de changement, ça n’est pas un truc qui se fait en un claquement de doigts. Par contre, je me vois mal multiplier les pronoms non binaires/épicènes. Encore moins quand chacun.e crée a le sien avec plus ou moins d’élégance linguistique. C’est, en outre, une forme d’élitisme communautaire à savoir qui aura la plus grosse non-binarité.