Soyons clairs, des fois que vous ne seriez jamais venu ici. Je ne m’appelle pas Leto en référence à la mère d’Apollon et Artémis. Je m’apelle Leto en référence à Dune. Alors certes, pas le père de Paul, mais son fils, mais vous vous doutez tout de suite, si vous n’êtes jamais passé par ici avant, que je suis « UN PEU » fan de Dune. Si vous êtes un habitué des lieux, vous savez. Vous savez, que je ronge mon frein depuis des années, dans l’attente d’une adaptation de Dune valable, la meilleure jusqu’ici étant, de loin, et malgré ses défauts hurlants, la mini série de Sy-Fy (à l’époque Sci-Fi Channel) entre 2000 et 2003, et que je n’en peux plus d’abhorrer la version Lynch/De Laurentiis. Du coup, que vous soyez un habitué des lieux, ou pas, vous vous doutez bien que le Villeneuve, ça fait plus de 2 ans maintenant que je l’attends en trépignant. J’en suis sorti il y a une heure, au moment où j’entame ce billet. (Edité le 17/09 après deuxième séance.)
L’avant-propos:
Je ne vais pas vous faire des caisses sur Villeneuve, sa filmo parle pour lui : son film le moins bon sur Rotten Tomatoes et Metacritic, score à 71% d’approbation et 61/100 respectivement sur ces sites, et ce sont loin d’êtres des scores honteux ! Je n’ai pas vu Sicario, dont j’ai pourtant lu beaucoup de bien quand il est sorti, d_u coup comme référence quand j’ai appris qu’il bossait sur Dune, je lui connaissais donc deux films : Arrival, d’une part, bluffant visuellement, narrativement et dans sa façon de repousser l’hypothèse Sapir-Whorf (Le langage conditionne notre façon de percevoir, concevoir et d’interagir dans le monde) jusqu’aux limites du possible, et Blade Runner 2049, à l’esthétique dingue, prolongation sublime de l’opus de Ridley Scott et à peine moins ésotérique, et je ne parle pas au sens mystique du terme, mais bien au sens de l’accessibilité. Autant vous dire que j’étais excité comme un vers des sables qui entend un marteleur l’appeler à travers le désert.
Et puis, le casting a commencé à tomber : Chalamet, Brolin, Isaac, Fergusson, Skasgård, Zendaya, Bardem, Rampling, Momoa, Bautista… Alors oui, j’ai eu des doutes. Momoa, par exemple, était loin de ma représentation de Idaho, Bardem de ma représentation de Stilgar. Et puis les premières images ont filtré vers la presse. Et là c’est devenu excitant parce que tout le monde finissait par prendre la gueule de l’emploi. Et puis ces images donnaient un mince aperçu de la vision de Villeneuve. Et on était, visuellement, à mille lieues de la version de Lynch, et dans ce que la mini série aurait pu donner avec un budget plus conséquent et une direction artistique un peu moins attachée à la SF kitsch. Et puis les premiers teaser sont apparus, et on a eu une première impression audiovisuelle d’ensemble. Et j’ai cru que j’allais mourir d’excitation. D’autant plus quand j’ai appris que Hans Zimmer avait plaqué Nolan et Tenet, un de ses réalisateurs fétiche, pour aller faire la bande originale de Dune, parce que bordel, c’est Dune, quoi.
J’avais réservé mon billet et celui du Duncan il y a 10 jours, peu après que le Gaumont Rennes ait affiché les séances. Deux places, dans l’axe central, 3ème rangée en partant de sous la fenêtre du projecteur. J’aurais pu aller le voir le 14, vu qu’il y avait deux séances, ça m’a même salement démangé, de même que d’aller le voir ce mercredi à la première séance de l’après-midi, mais le Duncan avait dégagé sa fin d’après-midi au boulot depuis des semaines pour pouvoir venir le voir avec moi le soir de la sortie française, donc, j’ai attendu, par amour. Ce garçon ne se rend pas compte de ce que je m’inflige par amour pour lui ! Bref, ce mercredi, on s’est pointés à la séance de 20H30 en VOSTFR… Et je suis retourné le voir une seconde fois, ce vendredi 17/09/21.
Le pitch :
Nommé par l’Empereur-Padishah Shaddam IV comme gouverneur de la planète Arrakis, Dune, seule planète où est produite l’épice, une substance aux vertus panacéennes, le duc Leto y déménage avec son fils, Paul, et sa concubine, Jessica, laquelle aurait dû ne lui donner que des filles, sur ordre du Bene Gesserit , sororité dont elle est issue. Las, tout cela n’est qu’un piège tendu par l’Empereur, qui compte bien se débarasser des Atréides, devenus trop populaire dans l’Empire, au profit des Harkkonnens, précédents gérants et exploitants de Dune. Mais il se pourrait que Paul soit, avec une génération d’avance, le résultat tant attendu du programme millénaire de sélection génétique du Bene Gesserit : l’homme doté de la prescience ultime : le Kwisatz Haderach, et un séjour sur Dune, pourrait bien en être le révélateur…
Ma critique :
OH. MY. SHAÏ. HULUD ! Quelle masterclasse ! Je pleurerais de joie, si je n’étais pas encore aussi hébété d’avoir enfin vu DUNE, au cinéma. J’avais déjà une de mes sagas favorite extrêmement bien adaptée au cinéma, avec le Seigneur des Anneaux (j’ai déjà dit quelque part dans le blog que si je n’avais pas pris Leto, comme pseudo, on serait sans doute sur un carnet à thématique hobbitesque à la place). Désormais, j’ai aussi la seconde, même si ce n’est que la première partie… Et ça m’a fait le même effet au deuxième visionnage, malgré l’absence totale de surprise. Les poils qui se dressent par moments, la petite frustration parce que j’aurais bien enchaîné deux heures et demies de plus avec la suite, tout de suite. Mais entrons dans le vif du sujet.
Déjà, c’est visuellement un truc de dingue. Au point que je ne sais pas par où commencer. Vous voyez l’ambiance des paysages très « nature » de The Mandalorian, avec peu de pékins à se balader ? Et bah y a de ça, en plus marquant visuellement et plus classe encore. Même The Mandalorian, à côté, visuellement à un côté un peu « tacky » par instants (et pourtant je trouve la photographie de cette série totalement « Oompff ! »). Et alors le reste du Star Wars-verse, du coup, visuellement, ça devient une voiture tunée par un Jacky Moumoute, avec les flammes sur les portières, en comparaison.
On passe sur quatre planètes, à travers le film, Caladan qui a quelque chose des côtes rocheuses la Bretagne nord ou de l’Irlande ou de l’Ecosse les jours de pluie, gris bleus comme parfois l’hiver. Geidi Prime est austère, forcément, noire, anthracite, dérangeante, et les Harkonnens à son image, le tout m’évoquant de façon très lointaines des croquis de H.R. Giger à l’époque où il avait travaillé sur l’univers de Dune. Salusa Secundus est grise, pluvieuse, inhospitalière brutale. Dune EST sable. Sous toutes ses formes et toute ses couleurs. Et là où Villeneuve est épatant, c’est qu’il parvient à glisser des clins d’oeils à ceux qui ont bossé sur des projets liés à Dune avant lui. J’évoquais Giger à l’instant, mais il y a aussi des choses qui m’ont évoqué le Dune de Lynch par certains aspects (quelque chose dans les boucliers holtzmann individuel, quelque chose dans la pièce où Gurney et Paul s’entraînent au combat), ou la minisérie (la forme pyramidale de certains bâtiments d’Arrakeen, le drône-assassin détecteur de mouvement, qui sort de sa cachette, la serre de plantes grasses, même si introduite différemment dans le film, par rapport à la mini série et au livre), et je ne suis pas assez connaisseur du projet de Jodorowsky, mais peut-être que d’autres auront eu des impressions de clin d’oeil, aussi, en ce sens. Bref, Denis Villeneuve, en plus d’être capable de subjuguer visuellement, est aussi un type qui a fait ses devoirs en matière d’étude de ce qui a déjà été fait et ça se sent. Il y a aussi du Myazaki, en plus technocentré et moins kawaï dans certains engins volant (le transporteur de moissoneuse d’épice et ses ballons, les ornithoptère avec leur allures et leurs ailes de libellules) mais je ne suis pas certain que ce soit une influence directe du maître japonais de l’animation sur Villeneuve, plutôt que des références communes aux deux en matière de technologies alternatives ou techno(steam ou futuro)punk.
Le casting, est exceptionnel. Personne n’est en dessous, chaque act·eur·ice est exactement au niveau de ce qu’iel doit être au moment où iel est à l’écran. Timothée Chalamet est parfait en Paul Atréides, pas tout à fait sortie de l’adolescence, se retrouvant rapidement : testé par une Révérende Mère, mis face à ses responsabilités futures de Duc Atréides, confronté à ses visions stimulées par l’Epice, orphelin de père suite à l’attaque des Harkonnen, et, enfin, à devoir prendre la décision de se draper dans la mystique Fremen et ce qu’elle risque d’impliquer ensuite, politiquement, religieusement, fanatiquement… Et tout le reste du casting est à l’aune de son jeu à lui. Mention spéciale à Stellan Skarsgard, qui nous livre ENFIN, un baron Vladimir Harkonnen à la hauteur de sa version livresque, et même mieux encore tellement il est est dérangeant, sans avoir besoin de passer par le kitsch ou le gore cradasse. Et punaise ce que l’univers des Harkonnen a un truc dérangeant, du même tonneau que Vincent d’Onofrio dans The Cell, avec Jennifer Lopez, en beaucoup plus sobre, et noir/anthracite mais ça m’évoque un peu de ça.
Villeneuve est un virtuose amoureux de son sujet cinématographique et littéraire, au point que même quand il dévie de la trame du livre, en déplaçant une séquence dans la chronologie, en développant une information qui prend trois lignes dans le livre mais 4 minutes à l’écran, ou en écrivant une courte séquence qui n’existe pas dans le récit original, il sert l’oeuvre Dune et sa compréhension dans sa globalité, et pas juste son adapatation à lui. Je connais ce récit presque sur le bout des doigts à force de relecture. Et si j’ai été surpris des modifications, mineures, rassurez-vous, certain·e·s ne les calculeront même pas, et j’ai été tout aussi surpris de trouver qu’elles s’intégraient parfaitement dans ledit récit et servait à la fois la narration et la cinématographie. C’est un peu comme quand Jackson modifie des détails dans LoTR ou supprime la séquence chez Tom Bombadil, ça se tient, c’est cohérent avec l’oeuvre (Je parle uniquement de LoTR, parce que son adaptation du Hobbit, j’aurais bien des trucs à dire dessus lol, mais c’est pas le sujet du jour !)
La bande originale du film est exceptionnelle. Si vous avez lu mes critiques du Lynch et de la mini série, vous savez comment j’étais tombé amoureux de celle de la mini-série. Et ben là pareil. Je suis amoureux. Chef d’oeuvre d’habillage sonore. Il y a du désert dans cette bande originale, pas tout à fait comme dans la mini-série, celui-ci a plus de « grit », mais il y a du sable dans cette musique. Il y a des tripes, et il y a des trucs totalement inattendus dans cette bande originale. Vous voyez quand je vous comparais Caladan, à des régions de culture celte ? Et ben, c’est AUSSI présent dans la bande originale à plusieurs moment et à l’écran pendant quelques secondes à un moment. J’en ai eu une illumination totale pendant le second visionnage. En fait, c’est les Atréidiou de Caladanec vs les Harc’honnen de PlouGeidiPrime, avec l’Empereur Corrinec de KerCaitain qui fout le bordel, dans une dispute pour savoir de quel côté de la rivière la plage est à eux, cette histoire ! Vous comprendrez en voyant le film. Je ne vous en dit pas plus pour pas vous spoiler. j’avais souri à la première séance, là ça m’a carrément fait marrer sous mon masque sanitaire.
Après, j’ai quelques menues critiques : la bande son, justement, est un peu omni-présente, passée les 5 premières minutes du film, j’ai quelques moments où j’aurais aimé qu’il n’y ait que le son des éléments, le son de la scène, et non, il y a un autre habillage sonore/musical., c’est dommage Mais c’est un peu le défaut de tous les blockbuster internationaux depuis 20 ans (LoTR que je mentionnais plus haut). Je suis un peu étonné que Jessica utilise son langage manuel signé non seulement avec Paul, mais aussi avec certains des subalternes de la maison Atréides, alors que c’est sensé être un mode de communication discrète Bene Gesserit, qu’elle lui a transmis (Edit : après échanges avec un autre fan sur Twitter, il y a un langage des signes propres aux Atréides et un autre propre au Bene Gesserit a priori, ce que j’avais oublié). En parlant de ce que ses parents lui ont transmis, si on comprend bien que Jessica a formé Paul aux techniques secrètes des Soeurs, à aucun moment il n’est explicité que son père lui fait suivre un début de formation de Mentat, avec Thufir Hawat, ce qui a mis en jambe ses capacités de déductions, et l’éveil de sa vision présciente, dans ses rêves, avant même d’arriver sur Arrakis. Enfin, la notion du temps est un peu comprimée dans le film, et on a légèrement l’impression que les Atréides arrivent sur Arrakis et que une semaine ou 10 jours après (Allez, trois semaines, après la seconde séance, mais même, c’est un peu rapide tout ça), pif, paf, pouf, les Harkonnens débarquent avec leur gros sabots, et deux ou trois divisions de Sardaukar impériaux pour latter la gueule aux caladaniens. J’aurais volontiers rajouté 10 ou 20 minutes de film, pour donner le temps à la notion du temps qui passe. Sinon, on va finir par avoir l’impression que Paul démet l’Empereur au bout de 6 mois après son arrivée sur Dune alors qu’entre le début et la fin de Dune il y a plusieurs années (Paul a 15 ans au début et 18, 19 ou 20, sur la fin). Mais il y a un peu de pinaillage de fan, là.
Je suis obligé de dire : je n’ai pas du tout eu l’impression de passer 2h30 en salle, ni la première, ni la deuxième fois. Le rythme n’est pourtant pas celui d’un blockbuster à la Marvel et même LoTR est plus rythmé que ça, du fait d’une narration et des personnages éparpillés. Villeneuve pose un rythme inhabituel pour ce type de gros projet (blockbuster, space opera, encore que Dune ne soit pas le tome le plus « spatial » de la série). Pire, quand Chani balance, comme dernière réplique du film, à 30 secondes de l’écran noir du générique « Et ce n’est que le début » et que j’ai réalisé que c’était la fin du film, mon cerveau a fait : « Ah mais non, mais non, je suis pas d’accord, je veux la suite MAINTENANT ! » (et ça me l’a refait un peu aussi la deuxième fois que j’ai vu le film. J’en ai eu des frissons d’excitation à l’idée qu’on puisse en avoir plus un jour). Du coup, je vais très certainement aller le revoir (Done). Au moins une fois (Done). Possiblement deux (Y a des chances). Et en ligne, plus tard (AH MAIS OUI !). Parce que d’ici que la suite sorte, clairement, je vais être en manque.
Foncez le voir, que vous ayez lu Dune ou pas (Villeneuve a fait son film de façon àa ce qu’on puisse le suivre sans avoir lu Dune. Même si vous aller rater sans doute quelques trucs secondaires et des détails), que vous l’ayez aimé ou pas (ça pourrait vous réconcilicer avec, à mon avis), et à défaut d’y aller pour l’histoire, allez y pour les mirettes, purée. Mais attention, c’est pas un Star Wars. C’est pas un gros blockbuster US pop corn habituel. Non. C’est, pour le coup, une véritable oeuvre d’art.
J’ai bien aimé, mais je ne comprends vraiment pas comment tu peux dire que c’est à ce point le jour et la nuit avec le Lynch. Mais c’est comme ça hein. 😀
Mets Monet, Van Gogh et Renoir devant un paysage, tu vas avoir trois tableaux très différents, mais avec des touches communes, parce qu’ils peignent le même sujet, parce qu’il sont le fruit de leur époque, parce qu’ils ont probablement étudié les mêmes références, avec quelques variations de l’un à l’autre. Pire, si y en a un qui a eu le temps d’étudier de façon un peu approfondie les deux autres, tu peux être sûr que ça va influencer sa façon de faire, techniquement et esthétiquement.
Bah ici c’est pareil, on est des adaptations de Dune, ou des tentatives (Jodorowski), et on a un mec qui est studieux et méthodique dans son approche des projets (Villeneuve), tu peux être sûr qu’il a potassé les autres, en profondeur, et oui, il prend ce qui lui semble pertinent, spot on, par rapport au matériel du livre, et le refait à sa sauce (Oui les intérieurs de Caladan m’évoquent le Dune de Lynch, tout en étant différent, oui le liner interstellaire aussi, il se peut qu’il y ait une description dans le bouquin, je ne sais plus), mais le reste est très différent !!
Et puis dans celui-ci t’as pas l’impression dès le début d’être dans un trip sous acides à cause de la colorimétrie ! :op