Je m’excuse d’emblée pour la publicité mensongère. Je suis désolé·e, lect·eur·ice, mais, malgré ce demi alléchant à la robe dorée et au faux-col mousseux en image d’illustration en page d’accueil du blog et sur Twitter, il sera, certes, question de pression dans cet article, Blogtober oblige, mais pas de bière. Hého, t’as cliqué sur des trucs bien plus « putaclic » dans ta vie, avoue !
Les jeunes LGBTQI ont un mal fou à se rendre compte du chemin parcouru depuis 40 ans. Iels ne voient jamais que le chemin qu’il reste à parcourir. Je ne les en blâme pas. Ils ont la jeunesse de l’esprit et le manque d’expérience pour excuse. Et heureusement. Il y a une chose qu’il ont beaucoup de mal à appréhender, ceci-dit, quand on leur raconte nos expériences de « vieille folle », c’est la différence dans la pression sociale d’il y a quarante ans et celle de maintenant.
J’ai partagé ici le fait que j’ai bully un semblable lorsque j’étais au collège, et cela m’avait valu à l’époque, quelques retours très désobligeant sur Twitter, par des jeunes qui ne comprenaient pas, qu’à 13 ans, dans un contexte d’homophobie particulièrement forte, de communautée LGBTQI inexistante, je n’aie pas eu le réflexe de faire front avec ce garçon, et que, par protection, je l’ai voué aux gémonies, comme je me vouais intérieurement à elles. Non pour ces jeunes, et pas forcément militants, j’avais trahi la communauté et tout ce que je peux dire depuis n’a aucune valeur.
Alors que c’est précisément le contraire, c’est le fait d’avoir été dans cette situation là, qui a fait la valeur de mes engagements associatifs passés, fait la valeur de ma parole encore aujourd’hui aujourd’hui, et fera la valeur de ma parole et de mes engagements à venir. Parce que je ne souhaite que personne ne se retrouve dans cette position là, à l’avenir, de pourrir deux vies LGBTQI, quand bien même, les deux s’en sortiraient par la suite, comme c’est mon cas et celui de G.
Les jeunes LGBTQI d’aujourd’hui ont un mal fou à comprendre qu’une proportion non négligeable d’entre nous, dans les générations passées, ont pu se retrouver en situation bully leurs semblables par stratégie de survie, parce qu’à l’époque « la communauté » était un truc inexistant en province, très parisien, et encore, très interlope même à Paris, et qu’avant l’âge adulte et la vie indépendante, pour beaucoup d’entre nous, en particulier en province, point de salut, sauf à être taiseux et vivre discrètement -et c’est encore souvent le cas aujourd’hui dans les villes de moins de 20 000 habitants et agglomérations plus modestes. Parce qu’aujourd’hui, la communauté, même si elle n’est qu’en ligne, ils la ressentent, et qu’elle est l’espoir que nous n’avions pas à notre époque, du moins, pas avant d’avoir quitté le nid un peu le nid parental.
Un de mes buts en tant que vieille folle, du coup, au fur et à mesure que j’avance dans la vie, c’est de mettre en place au quotidien, dans mes relations avec les autres, une atmosphère d’ouverture supplémentaire pour que la pression sur les jeunes LGBTQI se relâche, pour que le « dire » et l’ « être » ne soient plus source d’angoisse, de haine de soi, de haine de la vie, de peur et de bullying entre semblables.
Et pourtant, je ne suis toujours pas sau·f·ve de céder à la pression sociale, face à ma propre communauté. Ainsi, je ne m’exprime quasiment plus de façon personnelle sur les réseaux en ligne -enfin Twitter, puisque je ne suis plus que là- sur les sujets militants. Je partage des articles, des tweets de personnes que je trouve pertinentes, de façon générale ou à l’instant T, mais je ne couche plus que très rarement mes propres pensées et réflexion en la matière.
Parce que toutes super-open et intersectionnelles que soient mes réflexions, certain·e·s dans la communauté militante ne sont pas prêt·e·s à les entendre toutes, parce que certain·e·s, d’autres où les mêmes, vont me faire des procès en légitimité -Je connais les limites de ma légitimité, supposée ou réelle, merci-, ou, même, en LGBTQI-phobie, sous couvert de pureté militante (ce truc qui n’existe que dans leurs fantasmes, comme la nécessité pour une femme de se marier vierge dans l’esprit des mascu-réacs.).
Est-ce que je le déplore ? Oui et non. J’ai eu une période où j’ai endossé un rôle militant et, ce faisant, j’ai accepté d’avoir le dos large, et de prendre sur moi, de subir une partie de cette pression sociale. Et mon silence, relatif (après tout je partage mes idées par le truchement d’autrui qui dit mieux que je ne l’aurais fait, et qui prends sur ses épaules le poids du feedback et des trolls à ma place), aujourd’hui, me sert à éviter de la subir.
Et puis, mon parcours m’a appris qu’il faut du temps, et de nombreux mouvement pendulaires (trois pas en avant, deux pas en arrière, deux pas en avant en avant, un pas en arrière…), de répétitions, de pédagogie, pour faire bouger les choses, vers ce qui paraît nouveau, en particulier sur les sujets sociétaux et la solidarité (je vous renvoie au propos de Jean-Pierre Darroussin ici). Sans doute que je redeviendrais militant·e, à un moment. Et même si mon but sera toujours de faire progresser la reconnaissance des droits de cette communauté et de tous ses membres, ce ne sera sans doute plus dans une association spécifiquement LGBTQI, ou alors pas que dans une association LGBTQI.
Et finalement, est-ce que choisir de me taire partiellement, temporairement, stratégiquement, c’est céder à la pression sociale ? Je ne crois pas. Il y a 30 ans, je cédais à la pression sociale, parce que je n’avais pas les moyens intellectuels et sociaux de faire autrement et que de trouver un moyen de ne pas être pris pour cible, c’était un non choix, j’y étais soumis, totalement.
Aujourd’hui, je n’y suis plus soumis, et le choix que j’ai est bien plus intéressant : m’y soustraire totalement, en disparaissant de façon relative comme c’est le cas en ce moment, ou la pourfendre activement comme lorsque j’étais militant·e, ou quand je sors maquillé·e ou habillé de couleurs flashy. Et ça, c’est un choix bien plus intéressant.