L’auteur américaine Anne Rice est morte ce week-end des suites d’un accident vasculaire cérébral, à 80 ans. Je l’ai pris comme on apprend la mort de quelqu’un qu’on a bien apprécié dans sa vie avant de se perdre de vue. J’ai été triste de savoir que cette belle âme, et plume prolixe, nous avait quitté. J’ai eu une pensée pour ses proches. Et puis une pensée pour ses personnages désormais littérairement orphelins. Eux dont j’ai j’ai particulièrement apprécié les turpitudes et les aventures quand j’étais au lycée et jeune étudiant.
J’ai toujours eu une forme d’affection pour la littérature vampirique. J’avais lu quelques nouvelles pour jeunes lecteurs mettant en scène Dracula dans un contexte moderne (impossible de me rappeler les titres, et ma bibliothèque d’enfance est chez les parents, et je ne saurais pas forcément où chercher pour les retrouver, s’ils n’ont pas été donnés à des cousin·e·s jeunes lect·eu·rice·s p), avec un côté très romantique : Dracula, aimant d’amour, mais devant protéger son secret, sa différence, vis à vis des femmes qu’il séduisait et devant se résoudre à les tuer ou les quitter pour leur éviter son sort/éviter de les faire soufrir par sa nature diabolique. En l’écrivant je me rends compte que c’était méga crypto gay comme schéma. Bref, ça m’avait bien plus comme personnage (tu m’étonnes !) et j’avais donc commencé, ado, à lire les 4èmes de couv de bouquins à thématiques vampiriques, comme un nouveau né à la nuit cherche le sang frais d’une victime.
Sauf qu’en la matière, à l’époque je trouvais tout et souvent n’importe quoi. Je n’avais que peu de goût pour les histoires de luttes de pouvoir entre créatures maléfiques (vampires, démons, loups-garous et autres joyeusetés.), et, avouons le, il me suffisait parfois de lire le résumé et une dizaine de pages, prises au hasard au milieu du bouquin, en diagonale, pour constater que c’était souvent une littérature fort mal foutue et écrite avec les pieds, même de mon point de vue adolescent. Et le stoker, bien que fondateur, m’avait gentiment saoulé, le côté épistolaire sans doute. Et je ne parle pas des nouvelles érotico-sentimentalo-vampiro-truc à destination de gotho-pouffes-emo à collier à clou. Par contre, quand j’aimais bien les nouvelles où les suceurs de sang interrogeaient leur condition, leur nature, leur damnation.
Las, les rayons littérature fantastique des librairies et supermarchés de mon enfance mal achalandés en littérature fantastique en général, alors vampirique… Et puis à l’époque y avait pas Internet pour échanger avec des gens qui aiment la même chose que vous, j’avais pas de voiture et peu de potes, bref, la lose intégrale. Et puis il y a eu Entretien Avec un Vampire, le film. Du coup, j’ai acheté le livre, que j’ai trouvé trouze-mille fois mieux, et j’ai fait ce que je fais souvent quand j’ai aimé un bouquin de quelqu’un, j’ai acheté le reste des chroniques des vampires déjà sorties (A l’époque Lestat le Vampire, La Reine des Damnés, Le Voleur de Corps). Et j’ai adoré. L’écriture, les personnages, et le fait qu’iels soient tou·te·s homo ou bi et finalement, très rarement hétéros simples, n’était pas pour me déplaire non plus, clairement. Bon dieu que j’ai aimé suivre Lestat, Armand, Marius, Louis, Claudia, David et, même, la terrible Akasha dans leurs parcours.
Et puis j’ai enchaîné, un peu par hasard, avec sa trilogie des sorcières, commençant par le tome 2, avant de lire le premier, puis le troisième. me retrouvant, une fois encore, plaisemment immergé dans l’histoire des femmes Mayfair, de leur esprit servant et du secret de leur lignée génétique… Deborah, Charlotte, Jeanne-Louise, Angélique, Marie-Claudette, Marguerite, Katherine, Mary-Beth, Stella, Antha-Marie, Deirdre et Rowan. Et Julien. Et Michael. Et Mona. Et Lasher ! Si vous avez lu la trilogie, chacun de ces noms vous rappelle une partie de l’histoire de cette famille et de la malédiction de celles et ceux qui voyaient l’Homme. Sinon plongez avec délice dans l’ambiance de la Nouvelle Orléans et de la Louisiane à travers les âges, et découvrez leur secret et comment il pourrait bien signifier notre perte à tou·te·s !
Ah bons dieux, que d’heures, de journées, de semaines de lecture, et de relectures, je dois à Anne Rice. Presqu’autant qu’à Tolkien, ou Martin ou Herbert ou Nothomb (huhu j’entends les haters qui cringent. Moi j’aime bien, point. Je ne vous force à rien.). Alors, oui, j’ai un peu déserté son lectorat quand elle a perclu ses romans d’interrogations philosophico-religieuses et théologiques pendant les années 2000. Et j’ai clairement accueilli avec joie son annonce claire et sans ambages, de distanciation avec les églises et la foi chrétienne, à cause de sa culture de l’hypocrise générale. Et j’ai apprécié aussi ses prises de positions en faveur des droits humains en général et LGBT en particuliers.
Et comme avec tous les morts de ma vie, passez les pincement au coeur, il me reste les souvenirs des bons moments. Et ce sentiement de reconnaissance. Pour le bonheur passé à lire. Pour avoir créé des personnages dans lesquels j’ai pu me retrouver en partie, me sentir compris, aussi, parfois. Pour l’amour et l’empathie dont il faut être capable pour écrire des personnages qui font mouche, de cette façon. Et même si je sais que son fils Christopher saura accompagner avec justesse les projets d’adaptation en cours et à venir des oeuvres de sa mère pour la télé/le streaming, c’est un peu des restes de ma jeunesse qui part avec elle.
May you rest in peace, Queen Mother of the Damned.