…Have violent ends. » Ce leitmotiv, nous l’avons entendu, inlassablement et régulièrement. Pendant toute une saison. Et très ponctuellement ensuite.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas une ligne originale écrite pour la série, mais bien une citation de Roméo et Juliette, de Shakespeare. Une réplique du prêtre : « Ces plaisirs violents ont des fins violentes. Dans leur triomphe ils meurent et se consument, tels le feu et la poudre en s’embrassant. ». Et elle s’applique bien à Westworld en tant que série : intriguante, déroutante, séduisante, douce et brutale et touchant toute à la fois à l’insoutenable légèreté de l’être et la difficulté à développer une morale entre conscience de soi et rapport à autrui -et pas juste un autre individu de son espèce.
Il ya des pistes d’interrogation et de réflexions intéressantes tant dans les propos de certains personnages (Dolorès, forcément, Meave, Bernard, Ford, mais aussi Charlotte en saison 4) sur le soi, sur l’humanité et sa place dans son propre monde, sur la singularité techno-cybernétique et j’en passe. Je trouve qu’il y a une réelle forme d’art à réussir à même ne faire qu’entrevoir des interrogations aussi philosophique (même sans les approfondirs plus que ça) au commun des mortels qui ne se poserait pas spontanément ce genre de question. Mieux : j’ai l’intime conviction que c’est une des fonctions de l’art que de faire s’interroger intérieurement sur des questions comme celles là. Pas d’y répondre, ça c’est un travail collectif, mais de nous interroger a minima, et pour ceux qui le souhaitent de pousser plus loin la réflexion. et la série fait ça très bien à mon sens.
Certains trouveront que c’est à la truelle, je le conçois, mais si c’est le cas, vous avez la chance/le luxe d’avoir (eu) accès à suffisamment de confort matériel, intellectuel pour vous cultiver philosophiquement, ou vous êtes doté de base d’un intellect et d’une plasticité qui vous font paraître tout ça très évident, et tant mieux pour vous. Perso je trouve que c’est de la très chouette façon détourner de confronter les gens à ces thématiques sans forcer la réflexion. Ce sont les équivalent modernes (et plutôt jeune adulte et adulte ici) des contes, des mythes, et des récits épiques d’antan. Ils mettent en récit, en gestes, en paraboles autant notre époque que nos interrogations, nos craintes (quid de la post / trans humanité, par exemple).
Après je comprends que la narration parallèle d’événement survenus à des moments très différents mais avec une unité de lieu et d’espaces (et des personnages communs !) puisse être déroutante. Mais c’est aussi une façon d’interroger nos perceptions (et de ménager du suspense dans la narration et du plaisir pour qui arrive à déduire des choses en avance avec justesse). Et je comprends que ce soit plus compliqué à suivre qu’une narration du même tonneau dans Pulp Fiction (avec la différences que dans ce Tarantino d’anthologie, il y a diversité de lieux, de personnages qui ne se croisent pas tout le temps) d’autant que dans le cas d’un film, la confusion dure quand même moins longtemps et il y a moins de pièce à réagencer mentalement au final. Mais le principe est le même. à la fin, tout s’éclaire (et sinon, vous pouvez re-regarder l’ensemble).
Ajoutez à ça une photographie toujours impeccable, un univers visuel toujours juste ce qu’il faut de décalé ou de familier pour qu’on soit dans l’ambiance, un mélange de prises de vues en lieu réels et de fonds verts réussis au point que parfois les unes et les autres ne sont pas ceux qu’on pense (Quand on voit les paysages défilé par la fenêtre du train qui mène au parc par exemple. Fond vert ? Bah non, réelle scène tournée dans un wagon sur un truck de cinéma qui roule sur une route d’Utah… Scènes devant ou dans une maison de F. Lloyd Wright en réel ? Et non, fond vert… Et j’en passe.
La musique est incomparable : entre le générique par Ramin Djawadi (Quasi tous les morceaux piano+violon de GoT) (et une partie de l’identité sonore de la série), les remix piano déglingo de chansons archi connues (de Bowie à Debussy en passant par Amy Winehouse, Les Guns’n’ Roses, Nirvana, Kanye Wes, Radiohead ou les Stones) ou juste des remix piano violon par Djawadi himself. On est toujours à la fois dans du très familier et dans la redécouverte. Un peu comme les hôtes du park parcourant le labyrinthe qui ont des retour vagues de leurs existences passées par rêve, par retours émotionnels ou autre liés à leur esprit bicaméral, avec une conscience en court d’éveil et un inconscient, qui travail, malgré les reboots et malgré les boucles narratives qui les enferrent, à cet éveil).
Ajoutons à ça une pléthore d’acteurs talentueux : Evan Rachel Wood, au meilleur de son art probablement, Anthony Hopkins, Ed harris (PUNAISE, OUAIS), Tessa Thompson, Thandie Newton, Sidse Babett « Brigitte Nyborg » Knudsen, Ben Barnes, Rodrigo Santoro (Du coup ça m’a pas dérangé que la saison 2 soit un peu bordélique question scénario, mais alors pas du tout, merci Rodrigo), Jimmi Simpson, Gustaf « Floki » Skasgård, Liam Hemsworth (le troisième Hemsworth bro, celui que personne calcule jamais), Aaron Paul et même Vincent Cassel (que je ne supporte généralement plus, ni comme acteur, ni quand il s’exprime ou quand il agit publiquement, pourtant), et les autres moins connu (ou parfois connus de moi parce que j’ai vu tel truc obscur de niche).
Alors oui, comme dit juste au dessus, la saison 2 se prend un peu les pieds dans son propre tapis pendant quelques épisodes et la saison trois en changeant totalement d’environnement et avec sa narration soudainement très linéaire peut être déroutante. Et si ensuite tout ce qui m’a plu et que je mentionne au dessus n’est pas votre tasse de thé, forcément, c’est pas une série pour vous. Mais clairement, c’était carrément une série pour moi. J’étais curieux de voir ce qu’allait donner l’ultime saison, avec un espoir fou que ça ne parte pas totalement en steack comme la fin de Battlestar Galactica, ou Game of Thrones et que je finisse mortifié d’avoir suivi le bouzin tout du long pour « ça » au final. J’étais. Parce que contractuellement les acteurs vont être payés, hein, mais il n’y aura pas de saison 5 à Westworld, pas même un film de conclu, que dalle. Dammit. C’était tellement bien.
« These violent delights, have violent ends »