Il y a environ un an, quand le Landerneau a bruissé que Space Karen se tâtait de racheter l’antédiluvien Twitter, tout le monde avait haussé le sourcil, certains de façon goguenarde, d’autres de façon plus sceptique, et enfin quelques uns, inquiets, parce que quand l’autre tanche milliardaire parle, c’est rarement en l’air ou sans une idée derrière la tête. Et puis l’annonce s’est faite officielle, il voulait vraiment racheter le gros zozoio social bleu. 9 mois plus tard, c’est chose faite, pour 44 milliards de dollars. Cherchez pas on est dans l’abstraction en matière de pognon, là. Pour vous situer le truc grosso modo, c’est un peu plus que le PIB de la Tunisie ou de la Jordanie, qui gravitent autour du PIB médian (50% des pays au dessus, 50% des pays en dessous). Et depuis un mois, du coup c’est un festival de n’importe quoi, au point que certains prédisent la mort de Twitter.

En même temps (comme dirait notre Proutident Emmanuel Maprout*), quand en un mois tu dégraisses un mammouth de 7000+ personnes, à travers le monde, à moins de 300, pour l’essentiel au USA, y a des chances que son métabolisme tourne un peu moins bien.
Certes l’infrastructure technique reste en place et fonctionne pour l’instant, mais quid de la maintenance en cas de panne technique ? Quid de la vulnérabilité face à une cyberattaque ciblée ? Quid de tous les trucs qui étaient faits par des humains parce que ça ne pouvait pas être automatisé et qui vont forcément merder à court/moyen terme ? A l’heure où y a plus personne dans le navire de compétent sur certaines de ces fonctions et où le nombre de ceux qui restent s’égrène petit à petit, oui, il y a bien des chances/risques que Twitter s’éclate en beauté, un peu comme ce piaf bleu (COINCIDENCE JE NE CROIS PAS, ALFONSO CUARON, DEVIN VISIONNAIRE !) qui s’approche un peu trop du saule cogneur dans le Prisonnier d’Azkaban (regardable en streaming gratuit sur plein de plateformes en ligne, hein, allez pas donner du pognon à l’autre transphobe).
Et je ne parle pas de la vision (ou plutôt du manque de vision) d’Ego Musk, de sa conception très particulière du management (le Seagull Management) ou encore celle qu’il a (très droitière) de la liberté d’expression… Et de ce qui semblerait avoir précipité ses vélléïtés de rachat depuis un ou deux ans : comme sa fille trans’ qui ne veut plus lui parler, les gauchistes qui veulent lui taxer sa fortune un max ou encore, sa dernière femme qui l’a plaqué pour Chelsea Manning. I smell white cis male tears and it smells a bit like le seum intégral (mais avec du pognon).

Du coup, tout le monde migre en masse, vers d’autres réseaux sociaux et en particulier Mastodon, qui est une sorte de Twitter libriste et décentralisé. Libriste, parce que c’est fait par une communauté ouverte de devs, en volontariat bénévole et que ce n’est pas du code propriétaire. Décentralisé parce qu’à la différence d’un Twitter, d’un Facebook ou autre, il n’y a pas une maison mère qui centralise tout sur des méga-serveurs qui lui appartiennent, mais une multitude de petites entités qui communiquent entre elles en utilisant les mêmes protocoles et, à peu près, la même interface, mais elles n’appartiennent aucunement à 1 seule grosse structure d’un point de vue légal ou financier. N’importe qui peut héberger son instance Mastodon sur son serveur privé et elle fonctionne de concert avec les autres, alors que n’importe qui ne peut pas héberger un Twitter puisque tout est synchronisé uniquement depuis Twitter.

J’y vois plein d’avantages. Possibilité d’avoir des instances publiques, des instances privées, la possibilité de protéger les utilisateurs de son instance en bloquant par exemple l’accès à ou depuis une autre instance (exemple : on peut ainsi éviter à ses user d’être exposé à du contenu trigger ou se protéger des discours fachos), de fixer des règles spécifiques de modération par instance (exemple : les contenus anti-trans sont interdits) ou des règles éditoriales : « ici on réunit surtout des gens qui vont parler de militance écolo » et quand vous adhérez à l’instance, c’est parce que ses règles vous conviennent et vous pouvez toujours faire migrer votre compte sur une autre instance au besoin. Et surtout cela créé une miriade de micro réseaux interconnectés qu’il est impossible de racheter en masse et donc de se fader un gros con milliardaire et ses lubies mal dégrossies. Bref, c’est increvable comme truc a priori, sauf à ce que tous les Internets meurent à l’unisson.
Alors oui, vous pouvez être à la merci de la pérennité de vore instance, de la politique de modération (allez pas vous friter avec les membres de la team de votre instance en gros), mais j’ai la sensation que le trolling sera plus compliqué via Mastodon. Oui, je vois aussi le phénomène des micro bulles et de la ghettoïsation et les dangers qui peuvent aller avec (embrigadement, sectarisme, fake news, radicalisation, lavage de cerveau), mais we’ll see.

Alors évidemment, ça ressemble beaucoup à Twitter, mais ça n’est pas Twitter, donc tout un tas de détails diffèrent et parfois on se demande pourquoi ça ne marche pas comme on veut. Par exemple : être connecté sur une instance dans un onglet et ouvrir l’adresse direce  d’un profil dans un autre, cliquer sur « suivre » et se voir rétoquer « vous n’êtes pas connecté » la première fois c’est déroutant. Sauf que c’est « vous n’êtes pas connecté sur cette instance » (celle du profil visualisé)  et que « pour liker ce pouet (oui parce qu’on dit des pouets, pas des tweets) veuillez copier ce lien dans votre barre de recherche sur votre instance », bref, tu copies colles dans le bon onglet et paf ça marche. Hourra. Le plus déroutant à titre perso étant sans doute les contenus d’un profil qui ne s’affichent pas pareil selon que je le visionne depuis mon instance ou directement sur la sienne. Les interaction entre les instances ne sont pas toujours tout à fait symétriques et c’est parfois là que la question de migrer sur une instance plutôt qu’une autre peu se poser.

Je vous parle en chinois ? Vous inquiétez pas, c’est moins bordélique que ça en a l’air, j’étais comme vous en 2017 quand j’ai créé un profil de test /d’autant qu’à l’époque y avait PERSONNE là bas, c’était plus mort que Vannes un soir de semaine passé 22h. Et je sais de quoi je parle. Et c’était à peine moins mort quand j’ai créé le profil avec ce pseudo ci en avril dernier, alors qu’on savait pas encore si l’autre tanche allait finir par racheter ou pas le gros zozio social bleu.

Ceux qui n’ont pas connu Twitter à ses débuts ou tout autre réseaux social avant qu’il ne soit à peu près débourré vont trouver tout ça affreusement abscons et relou, les autres savent que :

1. Il y a toujours un peu de réticence face au changement
2. Dans ce cas là, il y a aussi la flemme intellectuelle héritée d’une plateforme ou chaque action se fait sans réfléchir (dont think, while we collect your data) à laquelle on est confronté sur une plateforme ou d’un coup fav un contenu n’est pas forcément aussi évident, parce que ça peut prendre deux clics au lieu d’un et du coup j’ai 1 seconde de réflexion malgré moi, et finalement je vais peut-être pas le liker…
3. Tout ça deviendra un peu plus user friendly avec le temps sans doute
4. C’est du libre, vous attendez pas non plus à ce que ça devienne totalement simple pour celleux qui trouvent des plateformes privées à but commercial (Twitter, Facebook) compliquée. Nan mais ho !

Mes conseils :

• Si vous n’avez pas encore de profil : inscrivez vous sur une insstance ou vous avez déjà une grosse partie de vos contacts qui ont migré (ex : piaille.fr est en train de monter grave parmis les futurs ex twittos francophone ces derniers jours) ça vous facilitera la vie pour commencer et vous pourrez toujours migrer votre compte ailleurs via les « préférences » plus tard, si vous vous rendez compte que vous seriez mieux ailleurs, quand vous serez plus aguerris à l’usage de Mastodon.
• Sur mobile, si vous n’avez pas de profil, vous pouvez dl l’appli Mastodon qui va vous proposer d’en créer un sur l’instance de votre choix.
  Si vous avez un déjà un profil sur une instance qui ne prend plus de nouveaux users (ce qui était mon cas) je déconseille, parce qu’il n’y a pas d’option « se connecter à un profil existant » quand vous démarrez l’appli, ce qui est très con, vous en conviendrez.
• Que vous ayez ou non un profiil du coup, je recommande Tusk (qu’on m’a recommandé quand j’ai exprimé ma frustration avec l’appli officielle), que j’utilise et qui est facile comme tout à prendre en main.

Ah, et, forcément, si vous voulez m’ajouter, copiez-collez donc ça dans la barre de recherche de votre instance : LetoOfTheDesert@mastodon.social et à bientôt dans le fediverse ! Vous allez voir, avec un peu de bonne volonté, ça pourrait être éléphantastique !

*Si tu n’as pas encore Proutify comme extension sur ton navigateur, c’était un aperçu. Avec Proutify, la vie est plus belle, parce que c’est un peu une madeleine de Prou(s)t pour l’enfant qu’on a tou·te·s été.